Arrêt du 22 février 2024
Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale des travailleurs migrants - Règlement (CE) n° 987/2009 - Article 44, paragraphe 2 - Champ d'application - Pension pour incapacité totale de travail - Calcul - Prise en compte des périodes d'éducation d'enfants accomplies dans un autre Etat membre - Applicabilité - Article 21 TFUE - Libre circulation des citoyens - Lien suffisant entre ces périodes d'éducation et les périodes d'assurance accomplies dans l'Etat membre débiteur de la pension
L'article 21 TFUE doit être interprété en ce sens que, lorsque la personne concernée ne remplit pas la condition d'exercice d'une activité salariée ou non salariée imposée par l'article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 987/2009, pour obtenir, aux fins de l'octroi d'une pension pour incapacité totale de travail, la prise en compte, par l'Etat membre débiteur de cette pension, des périodes d'éducation d'enfants qu'elle a accomplies dans un autre Etat membre, mais a exclusivement accompli, au titre de périodes de formation ou d'activité professionnelle, des périodes d'assurance dans le premier Etat membre, tant antérieurement que postérieurement à l'accomplissement de ces périodes d'éducation, cet Etat membre est tenu de prendre en compte ces dernières en dépit du fait que cette personne n'a pas versé de cotisations dans ledit Etat membre avant ni immédiatement après lesdites périodes d'éducation.
Dans cette affaire, la juridiction allemande interroge la CJUE dans le cadre d'un litige opposant VA, née en Allemagne et ayant vécu aux Pays-Bas, à l'organisme fédéral d'assurance retraite, au sujet de la prise en compte des périodes d'éducation d'enfants accomplies par la requérante aux Pays-Bas afin de calculer sa pension allemande pour incapacité totale de travail. Avant et après ces périodes d'éducation, VA a exclusivement accompli des périodes d'assurance en Allemagne, au titre de périodes de formation ou d'activité professionnelle ne donnant pas lieu au versement de cotisations.
Le juge national se demande si l'institution compétente pour l'octroi d'une pension d'invalidité doit prendre en compte les périodes d'éducation d'enfants accomplies dans un autre Etat membre. Il relève que la condition d'exercice d'une activité salariée ou indépendante, imposée par l'article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 987/2009 pour obtenir la prise en compte de ces périodes par l'Etat débiteur de la pension, n'est pas remplie. Il s'interroge toutefois sur la compatibilité du refus de prise en compte de ces périodes avec la liberté de circulation des citoyens de l'Union garantie à l'article 21 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Dans ce contexte, la CJUE précise que l'article 21 TFUE impose à l'Etat débiteur de la pension de tenir compte des périodes d'éducation d'enfants effectuées dans un autre Etat membre, dès lors qu'est établie l'existence d'un lien suffisant entre ces périodes d'éducation et les périodes d'assurance accomplies au titre de l'exercice d'une activité professionnelle dans le premier Etat.
En l'espèce, avant la naissance de ses enfants, la requérante a accompli des périodes de formation professionnelle en Allemagne assimilées par le droit national à des périodes d'assurance. Elle y a occupé un emploi mineur également assimilable selon la législation allemande à une période d'assurance à la suite de l'éducation de ses enfants. La circonstance que la requérante n'ait pas versé de cotisations en Allemagne durant ces périodes assimilées ne suffit pas à écarter l'existence d'un lien suffisant.
La Cour conclut que l'Etat débiteur de la pension ne peut, sous peine de désavantager ses ressortissants nationaux ayant fait usage de leur liberté de circulation, exclure la prise en compte de périodes d'éducation d'enfants accomplies dans un autre Etat membre.