Affaire C 28/00

Liselotte Kauer et Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten

Arrêt du 7 février 2002

Assurance vieillesse - Périodes d'éducation accomplies dans un État membre avant l'entrée en vigueur du Règlement (CEE) n° 1408/71 - Application du Règlement dans le temps - Article 94, §s 1 à 3

« L'article 94, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, en liaison, selon le cas, avec les articles 8 A, 48 et 52 du traité CE (devenus après modification, articles 18 CE, 39 CE et 43 CE), doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation d'un État membre selon laquelle les périodes consacrées à l'éducation des enfants, accomplies dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, ou dans un autre État membre de l'Union européenne, ne sont considérées comme des périodes assimilées pour l'assurance vieillesse qu' à la double condition

  • qu'elles aient été accomplies après l'entrée en vigueur de ce règlement dans le premier État, et
  • que le demandeur bénéficie ou ait bénéficié, pour les enfants concernés, d'allocations de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation de ce même État,

alors que de telles périodes accomplies sur le territoire national sont considérées comme des périodes assimilées pour l'assurance vieillesse sans aucune limitation dans le temps ni autre condition ».

Madame Kauer, de nationalité autrichienne a trois enfants nés en 1966, 1967 et 1969. L'intéressée après avoir terminé ses études a travaillé en Autriche de Juillet 1960 à août 1964. En avril 1970, elle transfère sa résidence en Belgique où elle ne travaille pas. A son retour en Autriche en 1975, elle reprend une activité professionnelle.

Lors de la liquidation de sa pension de vieillesse l'institution autrichienne lui attribue une pension rémunérant 355 mois dont 46 mois, correspondant à la période comprise entre juillet 1966, naissance du premier enfant et avril 1970, date du départ en Belgique, au titre de périodes assimilées consacrées à l'éducation des enfants. L'intéressée conteste cette décision au motif que les périodes assimilées consacrées à l'éducation auraient dû représenter 82 mois (périodes en Autriche et périodes en Belgique) et non pas 46 mois.

Le tribunal autrichien demande à la Cour de justice des Communautés européennes si l'article 94, paragraphe 1 à 3, du règlement (CEE) n° 1408/71 s'oppose à ce que la législation d'un État membre exige pour que des périodes consacrées à l'éducation puissent être considérées comme des périodes assimilées que les conditions suivantes soient remplies :

alors que dans l'État compétent, ces périodes sont assimilées à des périodes d'assurance sans aucune limitation dans le temps ni autre condition.

La cour indique que l'article 94, paragraphe 1 est conforme au principe de sécurité juridique selon lequel un règlement ne doit pas être appliqué rétroactivement, indépendamment des effets favorables ou défavorables qu'une telle application pourrait avoir pour l'intéressé.

Elle précise que dans le même temps, afin de permettre l'application du règlement aux effets futurs de situations nées sous l'empire de la loi ancienne, le paragraphe 2 de l'article 94, prévoit l'obligation de prendre en considération, aux fins de la détermination du droit aux prestations, les périodes d'assurance, d'emploi ou de résidence accomplies sous la législation de tout État membre avant l'application du règlement à cet État.

Sur la condition que les périodes consacrées à l'éducation aient été accomplies après le 1er janvier 1994, la Cour observe que le paragraphe 2, de l'article 94, a pour but de préserver les effets de situations nées sous l'empire de la loi ancienne, en vue de la détermination de droits sous la réglementation nouvelle. De ce fait, subordonner l'accomplissement de ces périodes après l'entrée en vigueur du règlement vide ces dispositions transitoires de leur effet. La limitation dans le temps fixée par la loi autrichienne est donc contraire à l'article 94, paragraphe 2.

S'agissant de l'exigence du bénéfice de prestations en espèces de l'assurance maternité, la Cour indique qu'il existe une différence de traitement entre les périodes d'éducation accomplies sur le territoire national, pour lesquelles aucune condition n'est exigée et celles accomplies hors du territoire national qui sont soumises à une obligation de perception de prestations de l'assurance maternité. Une telle disposition est de nature à défavoriser les ressortissants communautaires ayant résidé ou travaillé en Autriche, puis exercé leur droit à la libre circulation (en qualité de travailleur ou de membre de la famille d'un travailleur). La Cour observe qu'au moment du séjour de madame Kauer en Belgique le règlement n'était pas applicable, l'intéressée n'aurait donc pas pu bénéficier de l'exportation de prestations en nature de l'assurance maternité du régime autrichien. Elle en déduit qu'une telle exigence est contraire à l'article 94, paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1408/71.