Arrêt du 26 septembre 2000
Sécurité sociale - Libre circulation des travailleurs - Pension de retraite - Majoration pour conjoint à charge - Règlement (CEE) n° 1408/71, articles 12 et 46 bis - Cumul des prestations accordées au titre de la législation de différents États membres.
"Lorsque les autorités compétentes d'un État membre appliquent une disposition législative
- qui fixe le montant de la pension de retraite accordée au travailleur marié,
- qui prévoit la réduction du montant de cette pension en fonction d'une pension accordée à son conjoint en vertu du régime d'un autre État membre, mais
- qui prévoit l'application d'une clause de non cumul dérogatoire au cas où la pension perçue par ailleurs est inférieure à un certain montant,
l'article 48 du traité CE (devenu après modification, article 39 CE) s'oppose à ce que ces autorités réduisent le montant de la pension accordée à un travailleur migrant en fonction d'une pension accordée à son conjoint en vertu du régime d'un autre État membre, alors que l'octroi de cette dernière pension n'entraîne aucune augmentation des ressources globales du ménage."
Monsieur Engelbrecht a exercé une activité salariée aux Pays Bas où il a été assuré à titre obligatoire, de 1946 à 1950 et de juin à novembre 1958, puis de manière volontaire de janvier 1957 à juin 1958 et de novembre 1958 à mai 1993. Il a été soumis au régime belge obligatoire au titre d'une activité salariée de 1958 à 1993.
En mai 1993, à l'âge de 65 ans, l'intéressé a obtenu la liquidation d'une pension belge et d'une pension néerlandaise. Du côté belge la pension a été liquidée au taux ménage,1 l'épouse du titulaire n'exerçant pas d'activité et ne recevant aucune prestation. La pension ainsi liquidée rémunérait 35 ans d'activité en Belgique. Du côté néerlandais, il recevait également une pension rémunérant les périodes volontaires et obligatoires dans ce pays. Dans la mesure où son épouse n'avait pas encore atteint l'âge de 65 ans, une majoration de pension était également servie.
Lorsque Madame Engelbrecht a atteint l'âge de 65 ans, une pension néerlandaise personnelle, rémunérant les périodes obligatoires et volontaires aux Pays Bas a également été liquidée à son nom et dans le même temps, la majoration de pension servie à son époux a été supprimée. Le montant des deux pensions était identique au montant de la pension de monsieur Engelbrecht et de la majoration.
L'institution belge quant à elle a reconverti la pension belge liquidée au taux ménage en pension au taux isolé, au motif que l'épouse de Monsieur Engelbrecht bénéficiait d'un droit propre au regard du régime néerlandais.
La juridiction belge a appliqué d'elle même les dispositions de l'article 46 bis, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 1408/71 et a admis que la partie de pension de Madame Engelbrecht basée sur les périodes volontaires, soit 88 % du montant total, ne pouvait pas être prise en considération, lors de la détermination de la pension belge de son époux. Toutefois, pour la partie de l'avantage correspondant à des périodes obligatoires, le tribunal belge a demandé à la Cour de justice des Communautés européennes ce qu'il convenait de faire.
La Cour observe que comme dans l'affaire Van Munster (C 165/91, arrêt du 5 octobre 1994 Rec. p. I-4661), les ressources du ménage n'ont pas été augmentées du fait de l'attribution d'une pension néerlandaise à Madame Engelbrecht. La pension néerlandaise est simplement servie en deux parts égales maintenant, par contre, le montant de la pension belge a été diminué.
Dans la législation belge il existe une disposition adoucissant la règle de cumul en permettant de continuer à servir la pension au taux ménage, lorsque le montant de la pension perçu par l'autre conjoint n'est pas supérieur à la différence entre le montant de la pension au taux ménage et celui calculé au taux isolé. Dans ce cas là, le montant de la pension au taux ménage est diminué de celui de la pension perçue par l'autre conjoint. Toutefois, l'application de cette règle aurait également pour effet de diminuer le montant de la pension perçue au taux ménage par Monsieur Engelbrecht et donc de diminuer les ressources du couple.
La Cour observe que monsieur Engelbrecht a travaillé en Belgique et aux Pays Bas, mais que son épouse n'a jamais exercé d'activité et que c'est à la suite de la modification de la législation néerlandaise, qui accorde à chaque conjoint à l'âge de la retraite une pension d'un montant égal, dès lors que les intéressés ont résidé aux Pays Bas, qu'une pension a été attribuée à l'épouse du requérant.
Sur la compatibilité de la législation belge avec le droit communautaire, la Cour indique que cette législation en elle même ne peut pas être considérée comme constituant un frein à la libre circulation, dans la mesure où elle s'applique indistinctement aux nationaux et aux ressortissants des autres États membres.
Elle constate que les difficultés auxquelles sont confrontés les intéressés sont la conséquence des différences qui existent entre les deux législations nationales. L'application de la législation belge sur les 12 % de la pension de Madame Engelbrecht aurait pour effet de diminuer les ressources du ménage du montant de la pension de l'intéressée.
Dans ce cas concret, elle rappelle que le juge national est tenu d'appliquer sa propre législation à la lumière des objectifs des articles 48 à 51 du traité afin d'éviter que son interprétation soit de nature à dissuader le travailleur d'user de son droit à la libre circulation.
L'application des règles anti cumul belges entraîne la diminution des ressources globales du ménage. La Cour en se fondant sur l'article 48 du traité indique qu'avant de réduire la pension d'un travailleur, il convient de vérifier que la pension accordée au conjoint a pour effet d'augmenter les ressources globales du ménage.
1 Lorsque le titulaire de pension a un conjoint à charge, le taux de pension applicable au salaire de référence est de 75 %, si tel n'est pas le cas, le taux est de 60 % pour la pension au taux isolé.