Arrêt du 10 juillet 2025
Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Règlement (CE) n° 883/2004 - Article 3 - Champ d'application matériel - Libre circulation des travailleurs - Article 45 TFUE - Règlement (UE) n° 492/2011 - Article 7 - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Enfant mineur handicapé d'un travailleur frontalier - Aide à l'intégration sous forme de prestations d'assistance scolaire aux enfants handicapés - Condition de résidence - Proportionnalité
Dans cette affaire, la juridiction allemande interroge la CJUE dans le cadre d'un litige opposant PE, une enfant mineure représentée par ses parents, à la région urbaine d'Aix-la-Chapelle (Allemagne), au sujet du refus de lui accorder une aide à l'intégration sous forme de prestations d'assistance scolaire aux enfants en situation de handicap, en raison de sa résidence hors du territoire national. Née en Allemagne d'une mère allemande et d'un père irlandais, elle vit avec eux en Belgique à proximité de la frontière allemande. Sa mère travaille en Allemagne.
Le juge national se demande si cette prestation allemande relève du champ d'application matériel des règlements de coordination (article 3 R883/2004). Dans la négative, il questionne la conformité de la réglementation nationale avec la libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) et le principe d'égalité de traitement (article 7§2 R492/2011 en matière d'avantages sociaux), dans la mesure où elle subordonne l'octroi de la prestation à une condition de résidence en Allemagne, impliquant que le travailleur frontalier (non-résident) ne la perçoit pas pour son enfant handicapé, contrairement au travailleur résident.
Dans ce contexte, la Cour rappelle sa jurisprudence constante : une prestation est considérée comme une prestation de sécurité sociale sous 2 conditions cumulatives :
En l'espèce, la 1ère condition n'est pas remplie. L'octroi de la prestation litigieuse n'est pas subordonné à des conditions objectives, tel un taux d'incapacité, mais se fonde sur un examen individuel et discrétionnaire par l'autorité nationale compétente des besoins de l'enfant. Elle ne constitue donc pas une prestation de sécurité sociale relevant du champ d'application des règlements de coordination.
La CJUE considère qu'il s'agit d'un avantage social soumis au principe de non-discrimination, dont la mère de la requérante, ayant exercé sa liberté de circulation en tant que travailleur frontalier, peut se prévaloir à l'encontre de son Etat d'origine. En l'absence de justification, la condition de résidence en Allemagne crée une discrimination susceptible de défavoriser les travailleurs frontaliers non-résidents.
Le gouvernement allemand invoque comme justification éventuelle l'objectif de garantir un lien réel entre le demandeur de l'aide et l'Etat l'octroyant, ainsi que le maintien de l'équilibre financier du système national de sécurité sociale. La Cour estime ces objectifs légitimes, mais le principe de proportionnalité n'est pas respecté. Dès lors que les travailleurs frontaliers contribuent au financement des politiques sociales de l'Etat d'accueil par les contributions fiscales et sociales qu'ils paient dans cet Etat du fait de leur activité professionnelle, ils doivent pouvoir bénéficier des avantages sociaux dans les mêmes conditions que les travailleurs résidents. De plus, il existe un lien de rattachement suffisant entre le demandeur de l'aide, octroyée dans le cadre de la scolarisation de l'enfant handicapé, et l'Etat compétent, lui permettant d'effectuer les contrôles nécessaires et de s'assurer que la charge économique ne devienne pas déraisonnable, même en cas de résidence dans un autre Etat membre.
La CJUE conclut que la réglementation allemande viole le principe d'égalité de traitement.