Affaire C 255/09

Commission européenne contre République portugaise

Arrêt du 27 octobre 2011

Restriction à la libre prestation de services - Remboursement frais médicaux - Frais médicaux non hospitaliers encourus dans un autre État membre - Absence de remboursement ou remboursement subordonné à une autorisation préalable dans l'État compétent.

  1. En ne prévoyant pas, sauf dans des circonstances prévues par le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, la possibilité de remboursement des soins médicaux non hospitaliers encourus dans un autre Etat membres, qui n’impliquent pas le recours à des équipements matériels lourds et onéreux limitativement énumérés dans la législation nationale, ou, dans les cas où le décret loi n° 177/92, du 13 août 1992, fixant les conditions de remboursement des frais médicaux engagés à l’étranger, reconnait la possibilité de remboursement desdits soins, en subordonnant leur remboursement à l’octroi d’une autorisation préalable, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.
  2. La République portugaise et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.
  3. Le Royaume d’Espagne et la République de Finlande supportent leurs propres dépens.

Au Portugal le remboursement des frais médicaux à l’étranger, en dehors du règlement (CEE) n° 1408/71, sont règlementés par le décret loi n° 177/92 qui subordonne le remboursement des dépenses de frais médicaux non hospitaliers à l’existence d’une autorisation préalable.

Estimant que cette législation n’était pas compatible avec la libre prestation de services, la Commission a introduit un recours en manquement contre le Portugal. Le Royaume d’Espagne et la République de Finlande ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République portugaise.

La Cour rappelle tout d’abord que « les prestations médicales fournies contre rémunération relèvent du champ d’application des dispositions relatives à la libre prestation de services ». Elle précise que les Etats membres sont libres de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale tout en respectant le droit de l’Union, notamment en ce qui concerne la libre prestation de services.

Comme elle l’avait déjà dit, notamment dans l’affaire Watts, C-372-04, un système de santé prévoyant une intervention en nature plutôt qu’un remboursement des frais n’est pas susceptible de soustraire les traitements médicaux à la libre prestation de services.

La législation portugaise subordonne le remboursement des frais médicaux à une triple autorisation préalable : rapport médical détaillé favorable, approbation du rapport par le directeur du service hospitalier et décision favorable du directeur général des hôpitaux. La Cour observe que cette procédure est de nature à décourager les assurés.

De plus, le décret en cause prévoit la prise en charge des frais à l’étranger uniquement lorsque l’intéressé ne peut pas être soigné dans le système portugais, ce qui limite le recours aux soins à l’étranger.

Subordonner à une autorisation préalable la prise en charge de soins programmés dans un autre État membre constitue une entrave à la libre prestation de services dans la mesure où ce système peut décourager les patients ou les empêcher d’avoir recours à des soins dispensés par un prestataire à l’étranger.

Pour la Cour, l’exigence d’une autorisation préalable ne peut pas se justifier par le fait que les assurés portugais qui s’adressent à des prestataires privés sur le territoire portugais supportent intégralement les frais exposés. En effet, la Cour rappelle que la comparaison doit être effectuée avec les conditions dans lesquelles sont fournies les prestations par le service de santé dans le cadre de ses infrastructures hospitalières et non pas dans le cadre des structures privées nationales.

Ce n’est pas parce que la législation portugaise est conforme à l’article 22, du règlement 1408/71 qui exige une autorisation préalable, qu’elle doit ne pas être conforme au Traité. De plus, l’article 22 qui permet à un assuré de recevoir des soins appropriés dans un Etat et de bénéficier pour le compte de l’institution compétente des prestations en nature de l’Etat en cause, n’interdit nullement l’Etat d’affiliation de procéder au remboursement des frais selon les tarifs en vigueur dans cet Etat.

La Cour indique que l’autorisation préalable, comme elle l’a déjà dit dans l’affaire C - 512/08, Commission c/ France, peut être justifiée dans le contexte de soins hospitaliers ou dans celui de soins médicaux susceptibles d’être dispensés en dehors d’un cadre hospitalier, mais nécessitant le recours à des équipements matériels lourds et onéreux.

Sur l’argument du Gouvernement portugais qui fait valoir que l’absence d’autorisation entrainerait des déplacements transfrontaliers susceptibles de mettre en péril l’équilibre financier du service national de santé, la Cour répond que les déplacements transfrontaliers se manifestent surtout dans les régions frontalières et pour des traitements et pathologies spécifiques, ce qui limite l’impact financier sur le système de santé en cause.

Sur la justification de l’autorisation afin de vérifier la qualité des prestations fournies, la Cour réplique que les conditions d’accès aux professions médicales font l’objet de directives de coordination et d’harmonisation ce qui garantit une qualité des soins. De plus dans le décret loi portugais, l’autorisation préalable n’était pas subordonnée à la vérification de la qualité des soins, mais à l’absence de disponibilité du traitement au Portugal.

Sur l’absence de mécanisme de remboursement dans le système de santé portugais et sur l’obligation de passer par un médecin généraliste pour consulter un médecin spécialiste, la Cour précise que les États qui disposent d’un service de santé sont tenus pour l’application du règlement n° 1408/71 de prévoir des mécanismes de remboursement à posteriori des soins dispensés dans un Etat membre autre que l’Etat membre compétent.

Rien ne s’oppose à ce qu’un Etat membre fixe des conditions d’octroi des prestations, comme par exemple l’obligation de consulter un médecin généraliste avant de se rendre chez le médecin spécialiste.

De plus, un État membre qui dispose d’un service national de santé peut fixer des tarifs de remboursement pour les soins reçus à l’étranger « à condition que ces montants reposent sur des critères objectifs, non discriminatoires et transparents ».

La Cour conclut que le Portugal en ne prévoyant aucun remboursement pour les soins à l’étranger a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité.