Affaire C 251/94

Eduardo Lafuente Nieto contre Instituto Nacional de La Seguridad Social (Inss) et Tesoreria General De La Seguridad Social (Tgss)

Arrêt du 12 septembre 1996

Invalidité - Détermination de la pension - Détermination de la base de cotisation moyenne

"L'article 47, paragraphe 1, sous e), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, et adaptée par l'annexe l, partie VIII, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, vise un régime de calcul des prestations d'invalidité qui repose sur une base de cotisation moyenne tel que celui prévu par la législation espagnole.

L'article 47, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1408/71, précité, interprété conformément à l'objectif fixé par l'article 51 du Traité CEE, devenu CE, implique que, dans une situation telle que celle qui fait l'objet du litige au principal, le calcul de la base de cotisation moyenne repose sur le montant des seules cotisations versées au titre de la législation concernée et que le montant théorique de la prestation ainsi obtenu soit dûment revalorisé et majoré comme si l'intéressé avait continué à exercer dans les mêmes conditions son activité dans l'État membre en cause.

L'article 46, paragraphe 2, sous c) du règlement n° 1408/71, précité, ne vise pas le calcul de prestations d'invalidité selon un régime tel que celui prévu par la législation espagnole et d'après lequel le montant des prestations est indépendant de la durée des périodes d'assurance."

Monsieur Lafuente Nieto, ressortissant espagnol, a travaillé en Espagne avant 1969, puis en Allemagne jusqu'en juillet 1990, date à laquelle il a été reconnu atteint d'une incapacité totale permanente au travail. L'intéressé a obtenu une pension allemande et une pension espagnole, La pension espagnole a été calculée par totalisation-proratisation en appliquant la règle des assiettes minimales de cotisations prévue par la législation espagnole lorsque l'intéressé n'a pas d'obligation de cotiser.

Monsieur Lafuente Nieto conteste ce calcul et demande qu'il soit tenu compte pour la détermination de la base de calcul espagnole des assiettes sur lesquelles les cotisations ont été calculées en Allemagne. Par ailleurs, il conteste également le fait que, lors du calcul de la pension par totalisation-proratisation les autorités espagnoles n'ont pas pris en compte la totalité des périodes espagnoles et allemandes, mais uniquement celles nécessaires pour, selon la législation espagnole, ouvrir droit à pension.

Le tribunal espagnol demande tout d'abord à la Cour de Justice des Communautés Européennes de lui indiquer si, lors du calcul du montant théorique de la pension espagnole, il convenait d'appliquer aux périodes d'assurance accomplies en Allemagne la moyenne des gains perçus en Espagne, conformément à l'article 47 § 1 b) du règlement (CEE) n° 1408/71 (avant l'intervention du règlement (CEE) n° 1248/92) ou si la base moyenne espagnole était déterminée en fonction des seules périodes d'assurance accomplies en Espagne conformément aux dispositions prévues à l'article 47 § 1 e).

La Cour indique que la première règle est applicable lorsque la législation en cause prévoit que le calcul des prestations repose sur le montant des salaires et lorsque les périodes d'assurance accomplies dans d'autres États membre entrent en ligne de compte. Elle précise que le régime espagnol d'assurance invalidité est un régime de type A selon lequel le montant de la prestation est indépendant des périodes d'assurance, de plus, lors du calcul de la prestation, on tient compte des salaires perçus durant un certain nombre d'années précédant la réalisation du risque ou d'un salaire minimal si, durant les années en cause, l'intéressé n'avait pas l'obligation de cotiser.

Elle ajoute que la seconde règle a été rajoutée à l'article 47 lors de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal et vise l'hypothèse où une législation prévoit que le calcul des prestations repose sur la base d'une cotisation moyenne dont la détermination est effectuée en fonction des seules périodes d'assurance accomplies sous la législation dudit État. Elle conclut que l'article 47 § 1 sous c), dans sa rédaction en vigueur en juillet 1990 (actuellement article 47 § 1 sous e) vise le calcul d'une pension d'invalidité liquidée sur la base de cotisations moyennes, comme cela est le cas dans la législation espagnole.

Le tribunal espagnol demande ensuite à la Cour si pour le calcul de la base de cotisation moyenne il ne doit pas être tenu compte des cotisations versées au titre d'une autre législation, dans la limite des cotisations qui auraient été versées au titre de la première législation.

La Cour indique que la règle de l'article 47 § 1 sous e) qui vise un régime de calcul fondé sur une base moyenne de cotisations ne peut pas avoir pour effet de permettre un autre mode de calcul fondé sur les cotisations minimales. Certes, durant son activité en Allemagne, l'intéressé n'avait pas d'obligation de cotiser en Espagne, mais cette obligation existait dans un autre État. La Cour rappelle qu'un assuré ne doit pas subir de réduction du montant de sa prestation du fait d'avoir usé de son droit à la libre circulation. Elle ajoute que cela ne veut pas dire que dans une telle hypothèse la base moyenne de cotisations doit reposer sur les cotisations versées dans un autre État membre.

Il faut simplement que la base de calcul appliquée à l'assuré soit la même que celle qu'il aurait eu s'il avait continué à cotiser obligatoirement dans le pays en cause. Pour arriver à ce résultat, elle indique que la base de cotisation moyenne doit reposer sur le montant des cotisations versées par l'intéressé au régime en cause, mais que le montant théorique obtenu par ce calcul doit être réactualisé comme si l'intéressé avait continué a être soumis à la législation en cause. Il convient de préciser que la solution adoptée en l'espèce par la Cour correspond aux modifications qui ont été apportées à l'annexe IV, sous D, point 4, du règlement (CEE) n° 1408/71 par le règlement (CEE) n° 1248/92.

Enfin, le tribunal espagnol demande à la Cour si, pour la liquidation d'une pension d'invalidité de type A dont le montant est indépendant des périodes d'assurance, il doit être fait application de l'article 46 § 2 sous c) (devenu article 47 § 1 sous a) par le règlement (CEE) n° 1248/92) qui limite la durée totale des périodes d'assurance au maximum prévu par la législation de l'État pour l'obtention d'une pension complète.

La Cour de Justice des Communautés Européennes indique que l'article 46 § 2 sous c) a été introduit pour éviter les problèmes susceptibles de se poser lors du calcul des pensions en fonction de la durée des périodes d'assurance lorsqu'il existe dans une législation une durée maximale au-delà de laquelle le montant de la pension ne peut plus être augmenté. Elle précise qu'une telle disposition ne peut pas s'appliquer aux prestations dont le montant est indépendant des périodes d'assurance. Ce qui est le cas de la pension d'invalidité espagnole.