Affaire C 249/04

Allard contre Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI)

Arrêt du 26 mai 2005

Article 39 CE et 43 CE du Traité - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Travailleurs indépendants exerçant des activités professionnelles sur le territoire de deux États membres et résidant dans l'un d'eux - Exigence d'une cotisation de modération - Base de calcul.

1. « Les articles 13 et suivants du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatifs à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, exigent qu’une cotisation telle que la cotisation de modération due en vertu de l’arrêté royal n° 289, du 31 mars 1984, soit établie en incluant dans les revenus professionnels ceux obtenus sur le territoire d’un État membre autre que celui dont la législation sociale est applicable alors que, suite au paiement de cette cotisation, le travailleur indépendant ne peut prétendre au bénéfice d’une quelconque prestation sociale ou autre à la charge de cet État.

2. L’article 52 du traité CE (devenu après modification, article 43 CE) ne s’oppose pas à ce qu’une cotisation telle que la cotisation de modération, due dans l’État membre de résidence et calculée en tenant compte des revenus obtenus dans un autre État membre, soit imposée à des travailleurs indépendants exerçant des activités professionnelles non salariées dans ces deux États membres. »

Monsieur Allard exerce une activité non salariée en France et en Belgique et il est assuré au titre des deux activités en Belgique, pays de sa résidence. L’INASTI lui a réclamé le paiement de la cotisation de modération salariale qu’il a refusé de régler. La cotisation de modération salariale est une mesure temporaire destinée à assurer l’équilibre financier de l’ensemble des régimes de sécurité sociale. Cette cotisation est une charge supplémentaire imposée aux travailleurs indépendants lorsque leurs revenus de 1984, 1985 et 1986 sont supérieurs à ceux de 1983. Le requérant reproche à l’institution belge d’avoir tenu compte de la totalité de ses revenus non salariés en France et en Belgique pour le soumettre à cette cotisation.

Le tribunal belge auprès de qui l’affaire a été portée demande à la Cour de justice des Communautés européennes si une cotisation telle que la cotisation de modération, qui n’apporte aucun droit supplémentaire à une prestation sociale, entre dans le champ d’application du règlement communautaire.

La Cour rappelle que le critère pour déterminer si un prélèvement entre dans le champ d’application du règlement est l’affectation spécifique de ce prélèvement au financement de la sécurité sociale. En ce qui concerne le prélèvement en cause, elle constate qu’il n’est pas contesté qu’il est affecté au régime de pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants. Le règlement est donc applicable.

Une fois déterminé que le règlement est applicable en l’espèce, elle indique que selon l’article 14 bis, point 2 du règlement, la personne qui exerce une activité non salariée sur le territoire de deux États membres est affiliée dans l’État de sa résidence si elle exerce une partie de son activité dans cet État. Elle précise qu’au regard de la législation ainsi déterminée elle est traitée comme si elle exerçait la totalité de son activité sur le territoire de l’État membre concerné. C’est donc à juste titre qu’il a été tenu compte des revenus non salariés français pour le calcul de la cotisation de modération.

La juridiction belge demandait à la Cour si les articles 48 et 52 du traité ne s’opposaient pas au prélèvement de cette cotisation pour des travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation.

Après avoir éliminé l’article 48 qui ne peut pas concerner le requérant dans la mesure où il vise la libre circulation du travailleur salarié, la Cour indique que selon le règlement n° 1408/71, les revenus perçus sur le territoire d’un autre État membre doivent être pris en compte pour le calcul de la cotisation de modération. Elle rappelle que le principe d’unicité a pour but d’éviter les complications qui pourraient résulter de l’application simultanée de plusieurs législations. Le but poursuivit par le règlement en assujettissant les travailleurs non salariés à la législation d’un seul État membre vise à garantir au mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre et à ne pas pénaliser les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation.

Elle en déduit que les mesures nationales qui mettent en oeuvre les dispositions du règlement en prenant en compte les revenus perçus dans un autre État membre ne constituent nullement des restrictions à la liberté d’établissement.