Affaires jointes C 245/94 et C 312/94

Ingrid Hoever et Iris Zachow contre Land Nordhein Westfalen

Arrêt du 10 octobre 1996

Champ d'application matériel - Prestations familiales - Allocation d'éducation - Égalité de traitement entre les hommes et les femmes - Champ d'application matériel de la directive 79/7

"Une prestation, telle que l'allocation d'éducation prévue par le Bundeserziehungsgeldgesetz, qui est accordée automatiquement aux personnes qui répondent à certains critères objectifs, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, et qui vise à compenser les charges de famille, doit être assimilée à une prestation familiale au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié et mise à jour par le règlement (CEE) n° 3427/89 du Conseil, du 30 octobre 1989.

Lorsqu'un travailleur salarié est soumis à la législation d'un État membre et vit avec sa famille dans un autre État membre, son conjoint est en droit, en vertu de l'article 73 du règlement n° 1408/71, de percevoir une prestation telle que l'allocation d'éducation dans l'état de l'emploi.

L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu'une allocation d'éducation telle que celle prévue par les articles 1er et suivants du Bundeserziehungsgeldgesetz ne relève pas du champ d'application de cette directive. "

Mesdames Hoever et Zachow vivent aux Pays Bas avec leurs conjoints, ils sont tous de nationalité allemande. Depuis 1990 Madame Hoever travaille en Allemagne durant dix heures par semaine et elle a pris, à l'occasion de la naissance de son enfant, un congé d'éducation de dix huit mois. Madame Zachow, quant à elle n'exerce plus d'activité professionnelle depuis 1985. Leurs époux sont tous les deux salariés en Allemagne. Les intéressées ont formulé une demande d'allocation d'éducation, en 1991 pour madame Hoever, et en 1987 pour madame Zachow. Ces demandes ont été rejetées par l'institution allemande compétente au motif que madame Hoever n'avait pas exercé une activité suffisante et que Madame Zachow était domiciliée aux Pays Bas.

Selon la législation allemande, pour prétendre à l'allocation d'éducation qui est une prestation non contributive, il faut avoir son domicile en Allemagne, avoir un enfant à charge, en assumer la charge, et ne pas exercer d'activité professionnelle à plein temps. Enfin les personnes exerçant une activité professionnelle en Allemagne entrant dans le champ d'application de la loi, remplissant par ailleurs toutes les autres conditions d'obtention de cette allocation, hormis la résidence, peuvent prétendre à cette allocation.

Les intéressées ayant formé un recours contre la décision de l'institution allemande, le tribunal allemand demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si l'allocation d'éducation est une prestation familiale au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) n° 1408/71, et si le conjoint d'une personne exerçant une activité professionnelle en Allemagne peut prétendre au versement de cette allocation dans le cadre de l'article 73 du règlement précité. Enfin la juridiction allemande souhaite également savoir, si la législation allemande qui exige pour l'obtention de cette allocation l'exercice d'une activité suffisante, n'est pas une discrimination fondée sur le sexe.

La cour observe que l'allocation d'éducation qui vise à compenser les charges de famille est accordée automatiquement aux personnes qui répondent à certains critères objectifs. Le montant de cette allocation dépend de l'âge et du nombre d'enfants, ainsi que du revenu de la famille. Elle vise à permettre à l'un des parents de se consacrer à l'éducation d'un jeune enfant, et elle est accordée que le bénéficiaire soit salarié ou non salarié. La cour conclut que cette allocation, qui vise à compenser les charges de famille et qui est accordée en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, doit être assimilée à une prestation familiale au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) n° 1408/71.

S'agissant de la deuxième question, la cour indique que seuls les époux des demanderesses relèvent du champ d'application personnel du règlement communautaire et peuvent éventuellement bénéficier des dispositions de l'article 73 du règlement (CEE) n°1408/71. Par ailleurs, les gouvernements allemand, espagnol, et français ainsi que la commission font observer que le droit à l'allocation d'éducation est un droit personnel et que selon la jurisprudence Kermaschek (affaire n° 40/76, arrêt du 23 novembre 1976), les membres de la famille du travailleur ne peuvent prétendre au titre du règlement n° 1408/71 qu'aux droits dérivés, en qualité de membre de la famille du travailleur.

La cour précise que depuis l'arrêt Cabanis Issarte (affaire n° C 308/93) " la portée de la jurisprudence Kermaschek a été limitée aux seules hypothèses dans lesquelles un membre de famille d'un travailleur invoque des dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 applicables exclusivement aux travailleurs, à l'exclusion des membres de leur famille, telles les dispositions des articles 67 à 71 relatives aux prestations de chômage ". Elle ajoute qu'en ce qui concerne les prestations familiales, la distinction entre droits propres et droits dérivés ne s'applique pas. Elle conclut que l'allocation d'éducation étant destinée à compenser les charges de famille, le choix du parent pouvant recevoir cette allocation n'a pas d'importance.

Dans sa dernière question, le tribunal allemand demandait si le fait de soumettre le versement de l'allocation d'éducation, à l'exercice d'une activité minimale n'était pas contraire à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7.

La cour fait observer que l'article 3, paragraphe 2, de la directive précise que cette directive ne s'applique pas aux dispositions concernant les prestations familiales, sauf s'il s'agit de prestations accordées au titre de majoration de prestations maladie, invalidité, vieillesse, accidents du travail ou chômage. L'allocation d'éducation qui garantit l'entretien de la famille durant la phase d'éducation des enfants n'est donc pas visée dans le champ d'application de la directive.