Affaire C-244/04

Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne

Arrêt du 19 janvier 2006

Manquement d'État - Article 49 CE - Libre prestation de services - Entreprise employant des ressortissants d'États tiers - Entreprise accomplissant des prestations dans un autre État membre - Régime du visa de travail

1. « En se limitant pas à soumettre le détachement de travailleurs ressortissants d’États tiers en vue de l’accomplissement d’une prestation de services sur son territoire à une simple déclaration préalable de l’entreprise, établie dans un autre État membre, envisageant de procéder au détachement de tels travailleurs et exigeant que ces derniers soient employés depuis au moins un an par cette entreprise, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE.

2. La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens. »

Lors de détachement de ressortissants d’États tiers en Allemagne les autorités allemandes avant de délivrer le visa vérifient certains critères relatifs au détachement et exigent que les travailleurs soient employés depuis au moins un an dans l’entreprise prestataire de services

La commission estime qu’en posant aux prestataires de services établis dans un État membre autre que l’Allemagne des exigences spécifiques au détachement de leurs salariés ressortissants d’États tiers, elles opèrent une discrimination au détriment de ces prestataires par rapport à ceux établis sur le territoire allemand. La Commission considère que le contrôle postérieur au détachement serait tout aussi efficace pour permettre aux autorités allemandes de s’assurer du retour des travailleurs dans l’État membre d’origine. Ce contrôle serait moins contraignant que le contrôle préalable. Par ailleurs, le fait pour une entreprise de ne pouvoir détacher que les salariés qu’elle emploie depuis au moins un an constitue une entrave à la libre prestation de services.

Le Gouvernement allemand quant à lui indique que les contrôles servent à vérifier que le prestataire de services ne fait pas venir sous couvert de la libre prestation de services du personnel aux fins de placement en Allemagne et que les travailleurs sont employés de façon régulière et habituelle dans l’État membre où est établi le prestataire de services.

Pour la Cour l’exigence de la part du prestataire d’une déclaration attestant que les travailleurs sont en situation régulière en matière de résidence, de travail et de couverture sociale dans l’État membre de travail habituel est suffisante pour effectuer les contrôles nécessaires. Elle constate donc que les pratiques des autorités allemandes sont excessives.

Sur le motif invoqué par les autorités allemandes concernant la protection du travailleur, la Cour indique que les État peuvent étendre leur législation ou les conventions collectives à toute personne effectuant un travail même temporaire sur leur territoire, mais soumettre les travailleurs à un contrôle préalable au détachement excède ce qui est nécessaire pour la protection de ces derniers.

S’agissant de la justification du contrôle préalable afin de garantir au prestataire que le détachement est effectué de manière légale, cela constitue pour la Cour un moyen disproportionné compte tenu des objectifs poursuivis par la gouvernement allemand.

Enfin en ce qui concerne l’exigence d’une période d’emploi minimum d’un an dans l’entreprise demandée par les autorités allemandes en se fondant sur la jurisprudence Vander Elst (C-43/93, Rec. p. I-3803) la Cour indique que cette exigence est particulièrement préjudiciable aux entreprises des secteurs caractérisés par un recours fréquents à des contrats de courte durée.

L’argument des autorités allemandes selon lequel elles souhaitent sauvegarder leur marché de l’emploi et prévenir le dumping social la Cour réplique qu’une telle période minimale d’emploi ne peut pas être exigée au nom de la protection sociale.

Sur le dumping social la Cour rappelle que les États membres peuvent étendre les dispositions de leur législation ou des conventions collectives relatives au salaire minimum à ces personnes.

L’exigence d’une période minimale d’emploi d’un an est disproportionnée pour atteindre les objectifs invoqués par l’Allemagne.