Affaire C 23/92

Maria Grana Novoa contre Landesversicherungsanstalt Hessen

Arrêt du 2 août 1993

Égalité de traitement - Convention conclue entre un État membre et un État tiers

Cet arrêt tranche une question importante sur laquelle la Cour, jusqu'ici, n'avait pas été amenée à se prononcer. Il s'agit de savoir si une convention bilatérale conclue par un État membre et un pays tiers relève de la "législation" au sens de l'article 3 § 1 du Règlement n°1408/71.

En 1988, une question préjudicielle avait été présentée à la Cour par la Bundes-sozialgericht, dans l'affaire Louis KASSEL contre Bundesanstalt für Arbeit. Il s'agissait d'un ressortissant néerlandais résidant en Allemagne, qui avait travaillé en Suisse et qui avait formulé une demande de prestations de chômage dans le cadre de la convention germano-suisse. Toutefois, cette affaire avait été retirée avant la décision de la Cour de Justice, les autorités allemandes ayant donné suite à la demande de l'intéressé.

Dans l'arrêt RONFELDT (affaire n° C 227/89 du 7 février 1991), la Cour de Justice des Communautés Européennes avait indiqué que "par prestations accordées en vertu de la législation d'un État membre, on doit entendre les prestations prévues par le seul droit national, établi par les législateurs nationaux, que les prestations résultant des dispositions des conventions internationales de sécurité sociale en vigueur entre deux ou plusieurs États membres et intégré à leur droit national, qui conduisent, pour le travailleur concerné, à une situation plus favorable que celle résultant de la réglementation communautaire". Toutefois, comme l'observe l'avocat général dans ses conclusions dans l'arrêt NOVOA RONFELDT, il ne s'agissait pas d'une convention conclue entre un État membre et un pays tiers, mais d'une convention bilatérale conclue entre deux États membres.

Madame Grana NOVOA, ressortissante espagnole a travaillé en Suisse, puis en Allemagne, mais jamais dans son pays d'origine.

A la suite d'une incapacité permanente de travail en Allemagne, l'intéressée s'est vu refuser le bénéfice d'une pension du régime allemand au motif que ses années d'assurance en Allemagne étaient insuffisantes pour lui ouvrir droit à un tel avantage.

Toutefois, des droits à cet avantage auraient pu être ouverts si les périodes d'assurance en Suisse avaient été prises en compte.

La requérante a invoqué devant les juridictions allemandes les dispositions combinées des conventions bilatérales conclues par la R.F.A. avec la Suisse d'une part et avec l'Espagne d'autre part.

La juridiction allemande, saisie de l'affaire, a demandé à la Cour de Justice si la notion de législation, visée à l'article 3 § 1 du Règlement 1408/71, englobait également les dispositions des Conventions interétatiques conclues entre un État membre et un pays tiers, qui en tant que lois, sont devenues partie intégrante de l'ordre juridique interne de cet État membre.

La Cour observe que la définition du terme législation mentionnée à l'article 1er sous j) du Règlement 1408/71, ne mentionne pas les conventions internationales de sécurité sociale qui font l'objet de dispositions spécifiques dans les Règlements.

Selon ces dispositions, relèvent du champ d'application des Règlements, les conventions auxquelles au moins deux États membres sont parties contractantes.

S'agissant des conventions conclues avec un ou plusieurs États tiers, le Règlement ne s'applique que dans la mesure où les relations entre les États membres sont concernées.

La Cour précise qu'aucune disposition des Règlements ne vise les conventions conclues entre un seul État membre et un ou plusieurs États tiers. Elle en conclut que si on avait entendu inclure ces conventions dans le champ d'application du Règlement, cela aurait été précisé nettement comme cela est le cas pour les conventions liant deux ou plusieurs États membres, ainsi que celles conclues entre deux États membres au moins et un ou plusieurs États membres.

L'intégration avec rang de loi d'une convention dans le droit interne d'un État membre n'est pas suffisante pour faire relever cet accord de la notion de "législation" aux fins d'application du Règlement. Une telle interprétation aurait pour effet de ne pas assurer une application uniforme du Règlement dans les différents États membres. En fonction du système constitutionnel des États membres, les conventions internationales de sécurité sociale seraient intégrées ou pas.

La Cour a donc dit pour droit : "l'article 3 § 1 et l'article 1er sous j) du Règlement n°1408/71 doivent être interprétés en ce sens que la notion de "législation", visée par ces articles, n'englobe pas les dispositions de conventions internationales de sécurité sociale conclues entre un seul État membre et un État tiers.

Cette interprétation n'est pas infirmée par la circonstance que ces conventions ait été intégrées, avec rang de loi, dans l'ordre juridique interne de l'État membre concerné".