Affaire C 225/10

Juan Pérez garcia, José Arias Neira, Fernando Barrera Castro, Dolores Verdun Espinosa c/ Familienkasse Nürnberg

Arrêt du 20 octobre 2011

Règlement (CEE) n° 1408/71 - Prestations pour enfants à charge de titulaires de pensions et pour orphelins - Pensions dues au titre de la législation de plusieurs États membres - Enfants handicapés - Droit aux prestations dans l'ancien pays d'emploi - Existence d'un droit aux prestations dans l'État membre de résidence - Absence de demande dans l'État de résidence - Choix du versement d'une prestation d'invalidité incompatible avec les prestations pour enfants à charge - Maintien des droits acquis dans l'ancien État membre d'emploi

1) Les articles 77, paragraphe 2, sous b), i), et 78, paragraphe 2, sous b), i), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, doivent être interprétés en ce sens que les titulaires d’une pension de vieillesse et/ou d’invalidité, ou l’orphelin d’un travailleur décédé, ayant été soumis à la législation de plusieurs États membres, mais dont les droits à pension ainsi que d’orphelin sont fondés sur la seule législation de l’ancien État membre d’emploi, sont en droit de réclamer aux autorités compétentes de cet État l’intégralité du montant des allocations familiales prévues par cette législation en faveur des enfants handicapés, alors même qu’ils n’ont pas demandé dans l’État membre de résidence à bénéficier des allocations comparables d’un montant plus élevé prévues par la législation de ce dernier État, en raison du fait qu’ils ont opté pour l’octroi d’une autre prestation pour handicapés qui est incompatible avec celles-ci, dès lors que le droit aux allocations familiales dans l’ancien État membre d’emploi a été acquis en vertu de la seule législation de ce dernier.

2) La réponse à la troisième question est identique à celle apportée aux deux premières questions lorsque, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, les intéressés ne sont pas en mesure d’opter pour le versement des allocations familiales dans cet État.

Les demandeurs sont des ressortissants espagnols qui ont travaillé en Allemagne et en Espagne, qui résident en Espagne avec un enfant handicapé âgé de plus de 18 ans. Ils bénéficient d’un avantage de vieillesse et/ou d’invalidité des deux États d’activité.

Au regard de la législation espagnole chacun des enfants handicapés bénéficie d’une prestation espagnole non contributive pour handicapé, mais pas de la prestation espagnole pour enfant à charge. En effet, la législation espagnole permet aux parents d’enfants handicapés d’opter pour le versement d’une prestation non contributive pour handicapé, prestation qui est incompatible avec les prestations espagnoles pour enfants

L’institution chargée des prestations familiales en Allemagne a refusé le paiement des allocations familiales allemandes au motif que les intéressés ouvraient droit en Espagne à des prestations familiales d’un montant plus élevé que la prestation allemande. L’institution allemande estime qu’un droit aux prestations espagnoles est ouvert au sens des articles 77, paragraphe 2, sous b), i), et 78, paragraphe 2, sous b), i), du règlement n° 1408/71 ; dans la mesure où les conditions légales pour l’octroi de ces prestations sont remplies. Pour l’institution allemande l’option des parents interdit de percevoir les allocations pour enfants allemandes dans la mesure où dans cette affaire l’Allemagne intervient à titre subsidiaire. Elle estime que cette option doit être assimilée à un refus de demande de prestations dans l’État de résidence permettant l’application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71.

La juridiction de renvoi demande à la Cour de justice de l’Union européenne si les articles 77, paragraphe 2, sous b), i), et 78, paragraphe 2, sous b), i), du règlement n° 1408/71 permettent à des titulaires de pension de vieillesse ou d’orphelins de réclamer des allocations familiales au titre de l’ancien pays d’emploi, sans avoir demandé à bénéficier des allocations familiales en faveur des enfants handicapés prévues par la législation de l’État de leur résidence en raison du fait qu’ils ont opté pour l’octroi d’une autre prestation pour handicapés, incompatible avec les allocations familiales.

La commission et l’avocat général observaient que la prestation espagnole n’était pas accordée exclusivement en fonction du nombre d’enfants et le cas échéant de leur âge, mais en fonction du handicap et du degré de celui-ci, elle n’avait donc pas le caractère de prestations familiales. Ils estimaient que l’impossibilité de cumul prévue par la législation espagnole entre l’allocation familiale pour enfant handicapé et la prestation pour handicapé confirmait cette analyse.

Pour la Cour, la mention explicite de l’allocation pour enfant handicapé comme une prestation familiale dans la déclaration de l’Espagne, fait qu’il s’agit bien d’une prestation visée aux articles 77 et 78 du règlement 1408/71.

Après avoir démontré que la prestation espagnole et la prestation allemande avaient bien le caractère de prestation familiale et que les dispositions du chapitre prestations familiales étaient applicables en l’espèce, la Cour se prononce ensuite sur l’État membre compétent pour verser lesdites prestations. Elle rappelle que les intéressés ayant été soumis aux deux législations espagnole et allemande, priorité est donnée à la législation de résidence pour le service des allocations. Elle ajoute toutefois que cette règle ne s’applique que lorsqu’un droit est ouvert dans l’État membre de résidence.

Dans le cas particulier doit-on considérer qu’un droit est ouvert lorsqu’il est exclu de la seule volonté de l’intéressé qui a opté pour une autre prestation qui est incompatible avec la prestation en cause.

La Cour observe que dans l’hypothèse où les allocations familiales du pays de résidence ne peuvent pas être demandées parce que les titulaires ont opté pour une autre prestation, le droit des intéressés ne peut pas être considéré comme étant ouvert au sens des règlements dans la mesure où les intéressés ne remplissent pas toutes les conditions pour bénéficier des allocations familiales. Les dispositions du règlement selon lesquelles l’État membre de résidence est exclusivement compétent pour octroyer les allocations pour enfants aux titulaires de pensions ayant été soumis à la législation de plusieurs États membres ne sont donc pas applicables.

Sur l’application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement 1408/71 et compte tenu du fait que le droit aux allocations familiales du pays de résidence est exclu à la suite de l’option effectuée, les institutions allemandes pourraient elles considérer que les intéressés ont choisi de bénéficier des allocations familiales espagnoles, excluant ainsi les allocations familiales allemandes qui sont d’un montant plus faible.

Pour la Cour l’article précité vise à éviter les cumuls de prestations et à assurer une juste répartition des charges et de ce fait, l’absence délibérée de demande dans l’État de résidence ne devrait pas entraîner un transfert de l’obligation d’octroyer ces prestations de l’État prioritaire vers l’État subsidiaire.

Toutefois, selon une jurisprudence constante les dispositions des articles 77, paragraphe 2, sous b), i), et 78, paragraphe 2, sous b), i), du règlement n° 1408/71 ne doivent pas être interprétés de manière à priver le travailleur ou l’orphelin des prestations ouvertes dans l’État membre de résidence aux prestations antérieurement acquises en vertu de la seule législation d’un autre État membre, du bénéfice des prestations les plus favorables.

La Cour conclut que dans l’affaire en cause chacune des personnes concernées bénéficiait en Allemagne d’un droit à pension acquis en vertu de la seule législation allemande. Dans ce cas le règlement ne peut pas priver les intéressés d’un droit dont ils disposent au regard de la seule législation allemande au motif qu’ils auraient pu demander de bénéficier d’allocations familiales plus élevées de l’État membre de résidence.

Dans la mesure où le droit aux prestations familiales n’est pas ouvert en Espagne, il appartient aux institutions de l’ancien État membre d’emploi où un droit est acquis de verser l’intégralité des allocations pour enfants.