Affaire C 216/12 et C 217/12

Caisse nationale des prestations familiales c/ Fjola Hliddal et Pierre-Luis Bornand

Arrêt du 4 octobre 2012

Sécurité sociale - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse - Ressortissants suisses résidant en Suisse et travaillant au Luxembourg - Octroi d'une indemnité de congé parental - Notion de prestation familiale

« Les articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doivent être interprétés en ce sens qu'une indemnité de congé parental, telle que celle instituée par la législation luxembourgeoise, constitue une prestation familiale au sens de ce règlement. »

Cette affaire oppose la Caisse nationale d'allocations familiales (CNPF) du Luxembourg à deux personnes de nationalité suisse (Madame Hliddal et Monsieur Bornand), au sujet du refus de la part de la CNPF d'allouer aux intéressés une indemnité de congé parental. Les intéressés exercent une activité salariée au Luxembourg et résident avec leur famille en Suisse

Le tribunal saisi du recours des intéressés demande à la Cour de justice si l'indemnité de congé parental luxembourgeoise relève du champ d'application matériel du règlement et si, de ce fait, elle peut être attribuée à un ressortissant suisse résidant en Suisse.

La Cour examine tout d'abord si l'indemnité de congé parental peut être considérée comme une rémunération au sens de l'article 157, paragraphe 2, TFUE ou comme une prestation de sécurité sociale au sens du règlement (CEE) n° 1408/71. Elle observe qu'il est de jurisprudence constante de reconnaître que par « rémunération » il convient d'entendre tous les avantages, actuels ou futurs payés même indirectement par l'employeur, à condition que ce paiement résulte d'un contrat de travail, de dispositions législatives ou du volontariat. Elle ajoute qu'elle a déjà été amenée à préciser qu'un travailleur qui exerce un droit à un congé d'éducation accordé par une législation nationale comportant une allocation d'éducation versée par l'État, se trouve dans une situation spécifique et ne peut pas être assimilé à une personne qui travaille, dans la mesure où ce congé est caractérisé par la suspension du contrat de travail. De plus, l'indemnité en cause n'est pas payée par l'employeur mais son financement est pris en charge sur le budget de l'État et sur le produit de la majoration de la contribution sociale prélevée sur les carburants. Elle conclut que la prestation en cause ne peut donc pas être qualifiée de rémunération au sens de l'article 157 TFUE.

En second lieu la Cour examine si l'indemnité de congé parental constitue une prestation de sécurité sociale. Elle indique que le fait que le Luxembourg n'ait pas déclaré cette indemnité comme étant visée à l'article 4, paragraphe 1 et 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 n'est pas suffisant pour établir que cette indemnité ne relève pas du champ d'application du règlement. De plus, la qualification d'une prestation dans le droit interne n'est pas déterminante pour apprécier si cette prestation relève ou non du règlement. Elle rappelle que selon une jurisprudence constante, une prestation accordée à des bénéficiaires sur la base d'une situation légalement définie, en dehors de toute considération individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, qui se rapporte à un des risques expressément énumérés à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale.

Après avoir démontré que la prestation en cause était une prestation de sécurité sociale, la Cour examine si cette prestation peut être qualifiée de prestation familiale ou s'il s'agit d'un revenu de remplacement pouvant être qualifié de prestation de chômage.

Une prestation de chômage permet de couvrir le risque lié à la perte de revenus survenue à un travailleur apte à exercer une activité professionnelle, mais qui a perdu son emploi. La personne qui reçoit l'indemnité de congé parental ne se trouve pas dans cette situation, dans la mesure où elle n'a pas perdu son emploi, mais a simplement décidé de suspendre sa relation de travail.

La Cour observe que les prestations familiales sont destinées à compenser les charges de famille en faisant participer la collectivité à ces charges. Elle rappelle les définitions qu'elle a été amenée à donner à l'occasion de différentes affaires qui lui ont été présentées. Par prestation familiale on peut entendre notamment :

- une contribution publique destinée à alléger les charges découlant de l'entretien des enfants

- la possibilité pour l'un des parents de se consacrer à l'éducation d'un jeune enfant et rétribuer l'éducation dispensée à cet enfant et compenser les frais de garde et d'éducation ou le cas échéant atténuer la renonciation d'un revenu provenant d'une activité à temps plein.

Dans le cadre plus particulier des interruptions de carrière liées à un congé parental, la Cour indique qu'elle a déjà jugé que ce type de prestation devait être assimilé à une prestation familiale.

Elle conclut que l'indemnité de congé parental servie au titre de la législation luxembourgeoise constitue une prestation de sécurité sociale dont les caractéristiques correspondent à celles d'une prestation familiale au sens du règlement n° 1408/71.