Affaire C 208/07

Petra von Chamier-Glisczinski contre Deutsche Angestellten Krankenkasse

Arrêt du 16 juillet 2009

Sécurité sociale - Prestations en nature destinées à couvrir le risque de dépendance - Articles 18 CE, 39 CE et 49 CE - Résidence dans un État membre autre que l'État compétent - Pas de prestations en nature de l'assurance dépendance dans le régime de sécurité sociale de l'État de résidence

1) « Lorsque, à la différence du système de sécurité sociale de l’Etat compétent, celui de l’Etat membre où réside une personne dépendante, assurée en tant que membre de la famille d’un travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié au sens du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, ne prévoit pas le service de prestations en nature dans les situations de dépendance telles que celle de cette personne, les articles 19 ou 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement n’exige pas, en tant que tels, le service de telles prestations en dehors de l’Etat compétent par ou pour le compte de l’institution compétente.

2) Lorsque, à la différence du système de sécurité sociale de l’Etat compétent, celui de l’Etat membre où réside une personne dépendante, assurée en tant que membre de la famille d’un travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié au sens du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97, tel que modifié par le règlement n° 1386/2001, ne prévoit pas le service de prestations en nature dans des situations de dépendance données, l’article 18 CE ne s’oppose pas, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, à une règlementation telle que celle prévue à l’article 34 du livre XI du code de la sécurité sociale (Sozialgesetzbuch), sur le fondement de laquelle une institution compétente refuse, dans de telles circonstances, de prendre en charge, indépendamment des mécanismes instaurés par les articles 19, ou, le cas échéant, 22, paragraphe 1, sous b), dudit règlement et pour une durée indéterminée, des frais liés à un séjour dans un établissement de soins situé dans l’Etat membre de résidence à concurrence d’un montant égal aux prestations auxquelles cette personne aurait droit si la même assistance lui était dispensée dans un établissement conventionné situé dans l’Etat compétent.

Madame von Chamier-Glisczinski, ressortissante allemande, résidant à Munich, en situation de dépendance recevait de la part de la caisse maladie en qualité d’ayant droit de son mari des prestations mixtes (prestations en nature et prestations en espèces) de catégorie III de l’assurance dépendance.

Monsieur von Chamier-Glisczinski envisageant de reprendre à son compte une entreprise située près de Salzbourg en Autriche a indiqué qu’il souhaitait placer son épouse dans un établissement de soins à proximité de cette ville.

La demande de prestations en nature, de l’assurance dépendance présentée le 27 août 2001 auprès de la DAK a été rejetée au motif que le droit autrichien ne prévoyait pas l’octroi de prestations en nature en faveur des personnes affiliées auprès d’un régime d’assurance d’un autre Etat membre. Du côté allemand l’assistance totale dans un établissement de soins ne peut pas être exportée dans la mesure où il s’agit d’une prestation en nature, l’intéressée ne pouvait prétendre qu’aux prestations en espèces de l’assurance dépendance catégorie III soit 1.300 DEM par mois. L’intéressée a séjourné dans l’établissement autrichien du 17 septembre 2001 au 18 décembre 2003 avant de revenir dans un établissement en Allemagne. La demande de Monsieur von Chamier-Glisczinski portait sur le remboursement de la différence entre l’allocation dépendance en espèces déjà versée et les frais liés au placement dans l’établissement autrichien.

Le tribunal allemand saisi de l’affaire demande à la Cour de justice des Communautés européennes si le règlement européen lu à la lumière des articles 18 CE, 39 CE et 49 CE ainsi que de l’article 10 du règlement 1612/68 permet à une personne dépendante, membre de la famille d’un travailleur salarié ou d’un travailleur non salarié, d’obtenir le service des prestations sous la forme de remboursement ou de prise en charge des frais, par l’institution compétente, lorsque l’Etat où réside ou séjourne cette personne ne prévoit pas, pour ses assurés, le service de prestations en nature dans des situation de dépendance.

Après avoir démontré que Madame von Chamier-Glisczinski relevait bien du champ d’application du règlement et que les prestations de dépendance sont des prestations qui peuvent être servies dans le cadre de l’article 19 (résidence hors de l’Etat compétent ou de l’article 22, paragraphe 1, sous b) (transfert de résidence au cours d’une maladie), la Cour estime que lorsque la législation de l’Etat de résidence ou de séjour ne prévoit pas le service de prestations en nature de dépendance, les articles précités n’exigent pas le service de telles prestations en dehors de l’Etat compétent par ou pour le compte de l’institution compétente.

Dans sa deuxième question le tribunal allemand demandait si dans une telle situation les articles 18 CE, 39 CE ou 49 CE s’opposaient au fait qu’une institution compétente refuse de prendre en charge dans le cadre de sa seule législation, des frais liés à un séjour dans un établissement de soins situé dans l’Etat membre de résidence, à concurrence d’un montant égal aux prestations auxquelles l’intéressée aurait pu prétendre si la même assistance avait été dispensée dans un établissement conventionné de l’Etat compétent.

La Cour indique que la conformité d’une mesure nationale à une disposition d’un acte dérivé du traité, à savoir le règlement (CEE) n° 140871, n’a pas pour effet de faire échapper cette législation aux dispositions du traité. En effet l’inapplicabilité des articles 19 et 22 du règlement à une situation donnée n’exclut pas automatiquement que la demande soit formulée au titre du droit primaire.

Sur l’application de l’article 39 CE, la Cour observe que si la notion de travailleur revêt une portée communautaire qui ne doit pas être interprétée de manière restrictive, au moment des faits Monsieur von Chamier-Glisczinski continuait de résider en Allemagne et procédait à des démarches pour reprendre à son compte une entreprise en Autriche, il ne faisait donc pas usage de son droit à la libre circulation, il ne pouvait donc pas y avoir application de l’article 39 CE.

Sur l’application de l’article 49 CE, la Cour précise que selon la jurisprudence les dispositions du traité sur la libre prestation de services ne visent pas la situation d’une personne qui établit sa résidence à titre permanent dans un autre Etat membre. Or dans le cas d’espèce, Madame von Chamier-Glisczinski n’est pas allée en Autriche dans le cadre d’une prestation temporaire de soins dans un établissement autrichien, mais pour y fixer sa résidence de manière stable.

Dans le cadre de l’article 18 CE l’intéressée en sa qualité de citoyenne de l’Union européenne pouvait exercer ses droits au libre séjour et à la libre circulation sur un territoire autre que celui dont elle est ressortissante.

Après avoir constaté que la situation de l’intéressée est moins favorable que celle qui aurait été la sienne si elle était restée en Allemagne où elle aurait pu prétendre à une assistance totale (prestations en nature et en espèces), elle observe que l’article 42 CE prévoit une coordination des législations et non pas une harmonisation de celles-ci ; de ce fait des différences continuent de subsister dans les législations des Etats en cause.

Elle précise que l’article 18 CE ne peut donc pas garantir à un assuré qu’un déplacement dans un autre Etat membre sera neutre en matière de sécurité sociale et compte tenu des disparités qui existent dans les législations, ces dispositions peuvent être selon le cas plus ou moins favorables pour l’assuré.

Elle conclut que le problème de Madame von Chamier-Glisczinski vient du fait que la législation autrichienne ne prévoit pas de prestations en nature de l’assurance dépendance. Toutefois, les Etats membres étant libres de choisir « les modalités de leurs régimes d’assurance maladie, l’un de ces régimes ne saurait être considéré comme la cause d’une discrimination ou d’un désavantage pour la seule raison qu’il a des conséquences défavorables lorsqu’il est appliqué conformément aux mécanismes de la coordination ».