Affaire C 206/94

Brennet Ag contre Vittorio Paletta

Arrêt du 2 Mai 1996

Assurance maladie - Séjour temporaire - Prestations en espèces - Reconnaissance d'une incapacité de travail

"L'article 22, paragraphe 1, sous a) ii), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version résultant du règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doit être interprété en ce sens qu'il vise une réglementation nationale selon laquelle un salarié a, lors d'une incapacité de travail, droit au maintien de la rémunération pendant une certaine période, même si le salaire n'est dû qu'un certain temps après la survenance de l'incapacité.

L'interprétation de l'article 18, paragraphes 1 à 5, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71, que la Cour a donnée dans l'arrêt du 3 juin 1992, Paletta (C-45/90, Rec. p. 1-3423), n'implique pas qu'il soit interdit à l'employeur d'apporter les éléments de preuve qui permettront, le cas échéant, à la juridiction nationale de constater l'existence d'un comportement abusif ou frauduleux résultant du fait que le travailleur, bien qu'il fasse état d'une incapacité de travail établie conformément à l'article 18, précité, n'a pas été malade.

Cette affaire oppose Monsieur Paletta, ressortissant italien, à son employeur, la société Brennet, qui a refusé de maintenir le versement du salaire de l'intéressé pendant une période d'incapacité en Italie.

Monsieur Paletta, son épouse et ses deux enfants, travaillant pour la société Brennet, se sont tous fait porter malades au cours d'un séjour temporaire en Italie. Lors d'une première réponse à une question préjudicielle posée par le tribunal allemand le 3 juin 1992 (affaire n° C 45/90), la Cour avait indiqué que l'institution compétente (même si celle-ci est l'employeur) est liée par les constatations médicales effectuées par l'institution du lieu de séjour lorsqu'elle n'a pas fait examiner l'intéressé par un médecin de son choix comme l'y autorise le paragraphe 5 de l'article 18 du règlement (CEE) n° 574/72. Au vu de cette interprétation de l'article 18 du règlement (CEE) n° 574/72, le tribunal allemand avait fait droit à la demande de la famille Paletta.

La société Brennet a alors introduit un pourvoi devant la Bundesarbeitsgericht qui demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si la disposition de l'article 22 § 1 sous a) du règlement (CEE) n° 1408/71 qui prévoit que les prestations sont servies si l'état du travailleur nécessite l'octroi immédiat de prestations est compatible avec les dispositions de la législation allemande qui prévoient le maintien du salaire ? Dans le cas de Monsieur Paletta, l'incapacité de travail est survenue le 7 août, il n'avait pas un besoin immédiat de recevoir des prestations en espèces dans la mesure où il ne pouvait réclamer son salaire que, le 31 août, soit vingt quatre jours après le début de l'incapacité.

La Cour observe que la nécessité immédiate des soins vise incontestablement les prestations en nature et que dans un tel cas d'urgence, le travailleur doit également ouvrir droit aux prestations en espèces destinées à compenser la perte de salaire. Elle ajoute qu'une telle interprétation conduirait à traiter différemment les travailleurs qui tomberaient malade en début de mois et ceux qui tomberaient malade en fin de mois. Elle en conclut que l'article 22 § 1 a) ii) du règlement (CEE) n° 1408/71 vise les législations nationales qui, comme la législation allemande, accordent lors d'une incapacité de travail un droit au maintien du salaire, même si le salaire n'est pas dû immédiatement au moment de la survenance de l'incapacité.

La deuxième question posée par le tribunal allemand portait sur la question de savoir si l'interprétation de l'article 18 paragraphes 1 à 5 du règlement (CEE) n° 574/72 dans le précédent arrêt Paletta interdisait à l'employeur de contester la véracité du certificat médical en demandant au salarié, comme cela est prévu dans la législation allemande, d'apporter des preuves supplémentaires au soutien de la réalité de l'incapacité de travail.

La Cour indique qu'il n'est pas possible de demander au travailleur d'apporter de nouvelles preuves, car cela entraînerait pour celui-ci, dont l'incapacité de travail est survenue hors de l'État compétent, des difficultés de preuves que justement la législation communautaire vise à éliminer. Toutefois, elle ajoute que rien n'interdit à l'employeur d'apporter des éléments de preuves afin de permettre à la juridiction nationale de se prononcer sur un éventuel comportement abusif ou frauduleux. Elle en conclut que l'article 18 du règlement (CEE) n° 574/72 n'interdit pas à l'employeur d'apporter la preuve de l'existence d'un comportement abusif ou frauduleux résultant du fait que le travailleur, bien qu'il fasse état d'une incapacité de travail établie conformément à l'article 18 précité, n'a pas été malade.