Affaire C 2/05

Rijksdienst voor Sociale Zekerheid c/ Herbosch Kiere NV

Arrêt du 26 janvier 2006

Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable - Travailleurs détachés dans un autre État membre - Portée du certificat E 101

Aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide par les autorités de l’État membre l’ayant délivré, le certificat E 101, délivré conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2195/91 du Conseil, du 25 juin 1991, lie l’institution compétente et les juridictions de l’État membre dans lequel sont détachés les travailleurs. Par conséquent, une juridiction de l’État membre d’accueil desdits travailleurs n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 en ce qui concerne l’attestation des éléments sur la base desquels un tel certificat a été délivré, notamment l’existence d’un lien organique, au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement n° 2195/91, lu en combinaison avec le point 1 de la décision n° 128 de la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, du 17 octobre 1985, concernant l’application des articles 14, paragraphe 1 sous a) et 14 ter paragraphe 1 du règlement n° 1408/71, entre l’entreprise établie dans un État membre et les travailleurs qu’elle a détachés sur le territoire d’un autre État membre, pendant la durée du détachement de ces derniers.

D’avril à septembre 1991, l’entreprise Herbosch Kiere a été chargé de réaliser des travaux de coffrage et de bétonnage sur deux chantiers en Belgique. Pour réaliser ces travaux la société a fait appel à une entreprise irlandaise ICDS Constructors. À l’exception d’un seul, tous les travailleurs de la société irlandaise étaient munis d’un formulaire E 101 délivré par les autorités irlandaises.

Le 12 octobre 1992, l’inspection des lois sociales du ministère belge de l’emploi et du travail a dressé un procès verbal constatant que Herbosch Kiere utilisait des travailleurs irlandais mis à disposition par ICDS Constructors et que Herbosch Kiere était le véritable employeur de ces travailleurs.

Au vu de ces conclusions le Rijksdienst a exigé de Herbosch Kiere le paiement des cotisations dues au titre du régime belge pour les intéressés.

La société belge a versé la somme réclamée de manière conditionnelle et en a réclamé le remboursement auprès du tribunal belge.

La juridiction belge demande à la Cour de justice des Communautés européennes dans quelle mesure un certificat E 101 lie l’ordre juridique interne de l’État d’accueil en ce qui concerne l’existence du lien organique entre l’entreprise qui détache et le travailleur détaché, durant la période de détachement.

La Cour observe que selon une jurisprudence constante le maintien du lien de subordination entre l’entreprise qui détache et le travailleur est une des conditions requises pour l’application de l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 et la déclaration contenue dans le formulaire E 101 a pour base ce lien.

Dans le certificat E 101, l’institution de travail habituel atteste que sa législation continue de s’appliquer. De ce fait, compte tenu du principe d’unicité de législation, l’établissement d’un tel document implique que le travailleur n’a pas à être soumis à la législation de l’autre État membre.

La Cour indique que selon le principe de coopération loyale figurant à l’article 10 du traité, l’institution émettrice doit procéder à une appréciation correcte des faits et garantir ainsi l’exactitude des informations figurant sur le certificat E 101. De même l’institution de l’État membre dans lequel le travailleur est détaché doit s’estimer liée par le formulaire E 101.

Elle précise que la présomption de régularité d’affiliation attestée par le certificat E 101 s’impose à l’institution de l’État membre dans lequel est détaché le travailleur. De ce fait, tant que le certificat n’a pas été retiré ou déclaré invalide par l’institution qui l’a émis, l’institution de l’État membre dans lequel le travailleur est détaché ne peut pas soumettre ledit travailleur à sa législation.

C’est à l’institution qui a établi le document de reconsidérer son bien fondé et le cas échéant, de le retirer lorsque l’institution de l’État membre où le travailleur est détaché émet des doutes sur l’exactitude des faits à la base de l’établissement du formulaire.

Elle ajoute que dans l’hypothèse où les institutions n’arriveraient pas à se mettre d’accord, elles auraient la faculté de saisir la commission administrative. Enfin si la commission administrative n’arrivait pas à concilier les points de vue au sujet de la législation applicable, l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché pourrait engager une procédure en manquement auprès de la Cour.

L’institution de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché est liée par le certificat E 101, mais a-t-elle la possibilité de saisir une de ses juridictions pour déclarer le certificat invalide ?

La Cour observe que si on reconnaissait cette faculté à l’institution nationale, le système fondé sur la coopération loyale entre institutions serait battu en brèche.

Elle ajoute que tant que le formulaire E 101 n’est pas retiré ou déclaré invalide, il s’impose dans l’ordre juridique interne de l’État membre dans lequel le travailleur est détaché et il lie ses institutions.

Elle conclut « qu’une juridiction de l’État membre d’accueil n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un formulaire E 101 en ce qui concerne l’attestation des éléments sur la base desquels le certificat a été délivré, notamment l’existence d’un lien organique entre l’entreprise qui détache un travailleur et le travailleur détaché ».