Affaire C 189/00

Urszula Ruhr contre Bundesanstalt für Arbeit

Arrêt du 25 octobre 2001

Règlement (CEE) n° 1408/71 - Ressortissants de pays tiers - Membre de la famille d'un travailleur - Chômage

"L'interprétation que la Cour a donné dans son arrêt du 23 novembre 1976, Kermaschek (40/76), reste applicable à l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999, en liaison avec ses articles 67 et 71 bis".

Madame Ruhr, de nationalité polonaise est mariée à un ressortissant allemand et elle vit en Allemagne depuis avril 1998. De juillet 1998 à décembre 1999, elle a exercé une activité salariée au Luxembourg et en janvier 2000 elle s'est inscrite comme demandeur d'emploi auprès de l'office du travail de Trèves et a demandé à bénéficier de prestations de chômage.

L'organisme luxembourgeois a refusé de délivrer le formulaire E 301, au motif que l'intéressée n'était pas de nationalité communautaire. L'institution d'assurance chômage allemande a refusé quant à elle de servir les prestations au motif que la requérante n'avait pas exercé, durant la période de référence, une activité soumise à l'assurance, pendant au moins douze mois.

Devant le rejet de sa demande la requérante fait valoir qu'elle ne peut pas bénéficier des prestations de chômage du Luxembourg au motif qu'elle ne réside pas dans ce pays et qu'elle ne peut pas plus demander l'application du règlement (CEE) n° 1408/71, au motif de sa nationalité et ceci conformément à l'arrêt Kermaschek (40/76 Rec. P. 1669). Elle précise que la décision de l'institution allemande porte atteinte aux droits de son mari de circuler librement dans l'Union européenne, dans la mesure où pour faire valoir les droits de son épouse, il ne pourrait pas maintenir sa résidence en Allemagne et serait contraint de transférer sa résidence dans un autre État membre.

La juridiction allemande demande à la Cour de justice des Communautés européennes si l'interprétation donnée dans l'arrêt Kermaschek reste applicable à l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 en liaison avec les articles 67 à 71 bis, alors que cette interprétation a pour effet de limiter le droit à la libre circulation d'un travailleur communautaire.

La Cour indique que selon l'arrêt précité les membre de la famille d'un travailleur ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 2, paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 que pour les droits dérivés, c'est à dire ceux acquis en qualité de membre de la famille du travailleur. Elle précise qu'après l'arrêt Cabanis Issarte (C 308/93, Rec. P. I - 2097), la portée de cette restriction a été limitée aux seules dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 qui ont vocation à s'appliquer aux seuls travailleurs, comme les dispositions du chapitre chômage.

La Cour observe que l'article 2, paragraphe 1 du règlement vise deux catégories de personnes : les travailleurs d'une part, les membres de leur famille et leurs survivants d'autre part. Les premiers doivent être ressortissants d'un État membre pour relever du règlement ou réfugiés ou apatrides. Pour les seconds par contre, aucune condition de nationalité n'est exigée. Compte tenu de sa nationalité polonaise, Madame Ruhr ne peut relever que de la seconde catégorie de personnes, à condition que son mari ait bien la qualité de travailleur au sens du règlement (CEE) n° 1408/71.

Elle précise que les observation déposées devant elle ne permettent pas de remettre en cause l'interprétation donnée dans l'arrêt Kermaschek.

S'agissant de l'atteinte au droit du travailleur à circuler librement, la Cour observe que ceci est sans objet dans l'affaire en cause, dans la mesure où le mari de la requérante est de nationalité allemande et qu'il n'a pas fait usage de son droit à la libre circulation. Elle ajoute que même s'il avait fait usage de son droit à la libre circulation, la situation de son épouse n'aurait pas été différente, le règlement ne lui aurait pas été applicable.

Elle conclut que l'interprétation donnée de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 n'a pas d'incidence sur le choix du travailleur d'exercer ou non son droit à la libre circulation.