Affaire C 172/02

Robert Bourgard et Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI)

Ordonnance du 30 avril 2004

Égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale - Travailleurs indépendants - Dérogation en matière de fixation de l'âge de la retraite - Possibilité pour les seuls travailleurs masculins de faire valoir un droit anticipé à la pension de retraite - Mode de calcul - Réduction pour anticipation

« L'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, lu en liaison avec l'article 7, paragraphe 1, sous a), de cette même directive, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas, dès lors que la réglementation d'un État membre a maintenu une différence d'âge de la retraite entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, à ce que cet État membre, dans des circonstances telles que celles de l'espèce au principal, calcule le montant de la pension de retraite différemment selon le sexe du travailleur et applique aux travailleurs de sexe masculin, qui ont seuls le droit de demander le bénéfice d'une pension de retraite par anticipation dans les cinq années qui précèdent l'âge normal de la retraite, une réduction de cinq pour cent par année d'anticipation ».

Monsieur Bourgard, travailleur indépendant âgé de 60 ans, a sollicité auprès de l'INASTI une pension de vieillesse liquidée par anticipation cinq ans avant l'âge normal fixé à 65 ans pour les travailleurs indépendants de sexe masculin, alors que cet âge est fixé à 60 ans pour les travailleurs indépendants de sexe féminin.

La pension a été liquidée rémunérant une carrière de 34/45e, avec un abattement de 25 %, soit 5 % par année d'anticipation avant 65 ans, l'âge normal de la retraite.

L'intéressé estimant qu'il subissait une double mesure de discrimination par rapport à l'âge et par rapport au calcul de la pension vis-à-vis des travailleurs indépendants de sexe féminin, qui peuvent obtenir la liquidation de leur pension sans abattement dès l'âge de 60 ans et pour qui la carrière d'assurance est basée sur 40 ans au lieu de 45 ans pour les hommes, a formé un recours devant le tribunal belge.

La Cour de Cassation belge demande à la Cour de justice des Communautés européennes si l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7 permet à un État membre de calculer le montant de la pension des travailleurs masculins et féminins de manière différente selon le sexe et d'appliquer aux travailleurs masculins, qui demandent la liquidation de leur pension 5 ans avant l'âge normal, une réduction du montant de celle-ci par année d'anticipation.

La Cour tout d'abord accepte les explications du Gouvernement belge sur les différences qui existent entre le régime de retraite des salariés et celui des travailleurs indépendants et les conséquences de ces différences sur les modes de calcul des pensions.

La Cour rappelle que la dérogation prévue dans la directive doit être interprétée de manière stricte et lorsqu'il est prévu un âge différent de départ à la retraite entre les hommes et les femmes, elle doit être limitée aux dérogations qui sont nécessairement et objectivement liées à la différence de situation à l'âge de la retraite.

La Cour observe que les exceptions de l'article précité de la directive ont été prévues afin d'autoriser les États membres à modifier progressivement leur système de pension, sans perturber l'équilibre financier des systèmes.

Elle ajoute que le maintien de cette différence doit aboutir au terme de la réforme prévue par l'arrêté royal du 30 janvier 1997, à une parfaite égalité de traitement en matière d'âge (65 ans) entre les hommes et les femmes à compter du 1er janvier 2009.

S'agissant du mode de calcul de la pension sur la base d'une carrière de 40 ans pour les femmes et 45 ans pour les hommes, la Cour indique qu'elle a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'interdépendance entre la fixation l'âge de la retraite normal et le mode de calcul de celle-ci. En effet, la fixation de l'âge de la retraite détermine la période pendant laquelle les intéressés doivent cotiser au régime.

La Cour conclut que la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 ne s'oppose pas, dans la mesure où la réglementation nationale a maintenu une différence d'âge de retraite entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, à ce que le calcul de la retraite soit différent pour les hommes et les femmes et que seuls les travailleurs de sexe masculin aient le droit de bénéficier d'une retraite par anticipation, avec une réduction du montant de la pension par année d'anticipation.