Arrêt du 19 décembre 2019
Renvoi préjudiciel - Articles 56 et 57 TFUE - Libre prestation des services - Directive 96/71/CE - Applicabilité - Article 1er, paragraphe 3, sous a) - Détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services - Fourniture de services à bord de trains internationaux - Réglementation nationale imposant des obligations administratives en rapport avec le détachement de travailleurs
L'article 1er, paragraphe 3, sous a), de la directive 96/71/CE, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, doit être interprété en ce sens qu'il ne couvre pas la fourniture, dans le cadre d'un contrat conclu par une entreprise établie dans un Etat membre et une entreprise établie dans un autre État membre et contractuellement liée à un opérateur ferroviaire établi dans ce même Etat, de services de bord, de nettoyage ou de restauration pour les passagers effectués par des travailleurs salariés de la première entreprise, ou par des travailleurs mis à disposition de celle-ci par une entreprise également établie dans le premier Etat, dans des trains internationaux qui traversent le second Etat, lorsque ces travailleurs exécutent une partie importante du travail inhérent à ces services sur le territoire du premier Etat et qu'ils y commencent ou terminent leur service.
Österreichische Bundesbahnen (ÖBB), entreprise des chemins de fer fédéraux autrichiens, a attribué un marché de fourniture de services consistant dans l'exploitation des wagons-restaurants de certains de ses trains à D. GmbH, société établie en Autriche. Ce marché a été exécuté par Henry am Zug Hungary Kft. (H. Kft.), société établie en Hongrie. Les travailleurs étaient mis à la disposition de H. Kft. par une autre entreprise hongroise ou directement employés par H. Kft.
H. Kft. a assuré la prestation de services dans des trains d'ÖBB reliant Salzbourg (Autriche) ou Munich (Allemagne) à Budapest (Hongrie) en tant que gare de départ ou terminus. Les travailleurs affectés à la fourniture de ces services avaient leur domicile, leurs assurances sociales et leur centre de vie en Hongrie. Ils commençaient et terminaient leur service en Hongrie. Toutes les prestations de travail, à l'exception de celles effectuées dans les trains, étaient fournies en Hongrie (réceptionner les aliments et boissons stockées à Budapest puis les charger dans les trains, effectuer les contrôles des stocks et le calcul du chiffre d'affaires).
A la suite d'un contrôle à la gare de Vienne (Autriche), des sanctions administratives à caractère pénal ont été infligées à M. Dobersberger, en sa qualité de gérant de H. Kft. et d'employeur de travailleurs hongrois détachés par la société en Autriche pour le service de bord de certains trains d'ÖBB. Il a été reconnu coupable des manquements de la société à ses obligations administratives prévues par le droit social autrichien (déclaration préalable au détachement, communication des documents relatifs à l'affiliation des travailleurs à la sécurité sociale et aux rémunérations).
M. Dobersberger a contesté ces sanctions.
La juridiction autrichienne compétente interroge la CJUE sur :
La CJUE vérifie si la directive 96/71/CE relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services est applicable à cette affaire.
Son champ d'application est défini à l'article 1. Cette directive s'applique notamment à une entreprise établie dans un Etat membre, qui détache des travailleurs, afin d'effectuer une prestation de services transnationale pour son compte et sous sa direction, dans un autre Etat membre, dans le cadre d'un contrat conclu entre l'entreprise d'envoi et le destinataire de la prestation de services dans l'Etat d'accueil, à condition qu'il existe une relation de travail entre cette entreprise et le travailleur pendant la période de détachement (article 1, paragraphe 3, sous a)).
L'article 2, paragraphe 1 définit la notion de travailleur détaché comme tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail dans un autre Etat membre que celui dans lequel il travaille habituellement.
La Cour précise qu'un travailleur n'est pas considéré comme détaché sur le territoire d'un Etat membre au sens de la directive si l'exécution de son travail ne présente pas un lien suffisant avec ce territoire. Elle fonde son interprétation sur plusieurs dispositions dérogatoires de la directive 96/71/CE qui prévoient, dans le cas de prestations de travail de caractère très limité dans l'Etat membre d'accueil des travailleurs, la non-application de la directive en matière de salaire minimal et durée minimale des congés annuels payés (considérant 15 ; article 3, paragraphes 2, 3 et 4).
Dans cette affaire, la CJUE relève que les travailleurs :
Elle estime qu'ils n'entretiennent pas de lien suffisant avec le territoire des Etats membres traversés par ces trains pour y être considérés comme détachés au sens de la directive 96/71/CE, qui n'est donc pas applicable à cette affaire.
La Cour souligne que le droit social autrichien régissant le détachement de travailleurs, qui sanctionne le non-respect des conditions de travail et d'emploi nationales, transpose la directive 96/71/CE visant à garantir aux travailleurs détachés et nationaux les mêmes conditions de travail et d'emploi (article 3, paragraphe 1, de la directive). Il prévoit plusieurs obligations administratives destinées à contrôler le respect des dispositions de la directive, notamment en matière de salaire minimal.
La directive n'étant pas applicable à cette affaire en l'absence de détachement de travailleurs, la CJUE conclut que la seconde question posée par la juridiction autrichienne est sans objet.