Affaire C 144/96

Office National des Pensions (ONP) contre Maria Cirotti

Arrêt du 2 octobre 1997

Pension de vieillesse - Pension pour conjoint séparé - Pension d'invalidité - Cumul - Revalorisation - Reliquidation - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 51 - Inadmissible

"Les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce que la part d'une prestation de vieillesse d'un travailleur salarié accordée, en vertu de la législation applicable dans un État membre, à son conjoint séparé soit recalculée en fonction des revalorisations résultant de l'évolution générale de la situation économique et sociale dont a fait l'objet une prestation d'invalidité perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre. "

Madame Cirotti, de nationalité italienne, est titulaire d'une pension d'invalidité du régime italien et, à partir de juillet 1981, elle a obtenu en Belgique une part de la pension de retraite de son mari dont elle est séparée.

Selon la législation belge en vigueur en 1981, l'épouse séparée de corps ou de fait peut, sous certaines conditions, obtenir une part de la pension de son mari. Par décision de 1988, l'Office national des pensions a réduit le montant de la prestation versée à l'intéressée afin de tenir compte des modifications de la pension italienne, dues à l'indexation de cet avantage sur le coût de la vie.

Madame Cirotti a contesté cette décision et la juridiction belge a demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes si les dispositions des articles 46 et 51 du règlement (CEE) n° 1408/71 s'opposaient à ce qu'une partie de la prestation de vieillesse d'un travailleur salarié, octroyée au conjoint séparé de ce dernier en vertu de la législation d'un État membre, soit recalculée en fonction des revalorisations dues à l'évolution de la situation économique d'une pension d'invalidité perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre.

La Cour indique tout d'abord que la prestation de conjoint séparé dont il est question est une prestation de vieillesse au sens du règlement (CEE) n° 1408/71 et les droits du titulaire de cette prestation doivent donc être examinés dans le cadre du chapitre 3 du titre III du règlement et, notamment, dans le cadre des articles 46 et 51 dudit règlement.

Dans cette affaire, l'institution belge faisait valoir que la prestation en cause n'était pas une pension de survie personnelle, mais plutôt un revenu garanti qui devait donc être évalué en tenant compte des ressources du conjoint et varier en fonction des autres avantages dont est titulaire le conjoint.

Elle appuyait son argumentation sur la jurisprudence de la Cour (arrêt Valentino, C 65/92, du 22 avril 1993) qui avait indiqué que l'article 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 n'était pas applicable au revenu garanti aux personnes âgées institué par la législation belge et destiné à compenser l'insuffisance de ressources du titulaire de l'avantage.

La Cour répond à l'organisme belge que, dans le cas de Madame Cirotti, il ne s'agit pas d'un revenu garanti dans la mesure où l'intéressée a droit à une part de la pension de son ex conjoint, selon les règles semblables à celles qui déterminent la pension personnelle de retraite. Le montant de la pension est notamment lié à la durée de la carrière d'assurance.

L'Office national des pensions faisait également valoir que le fait de ne pas recalculer la prestation selon les dispositions de l'article 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 entraînerait une inégalité de traitement entre les deux ex conjoints, contraire à l'article 3, paragraphe 1, du règlement.

Sur ce point, la Cour de justice répond que l'article 3, paragraphe 1, qui vise l'égalité de traitement entre les ressortissants d'un État membre et les ressortissants d'un autre État membre, ne s'oppose nullement à l'application d'une législation nationale qui défavoriserait les travailleurs non migrants par rapport aux travailleurs migrants.

Elle conclut que les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 s'opposent à ce qu'une part de pension accordée à un ex conjoint soit recalculée en fonction des revalorisations d'une autre pension servie par un autre État membre et dues à l'évolution économique.