Affaire C-127/11

Aldegonda van den Booren c/ Rijksdienst voor Pensioenen(INSS) Tesoreria General de la Seguridad Social (TGSS)

Arrêt du 7 mars 2013

Sécurité sociale - Pension de vieillesse - Règles anti-cumul - Règlement (CEE) n° 1408/71, article 46 bis - Augmentation du montant versé par un État membre - Pension de survie - Réduction du montant de la pension versée par un autre État membre

L’article 46 bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariées, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1386/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application d’une réglementation d’un État membre contenant une clause en vertu de laquelle une pension de survie perçue dans cet État est réduite à la suite de l’augmentation d’une pension de vieillesse perçue au titre de la législation d’un autre État membre, sous réserve, notamment, du respect des conditions énoncées au paragraphe 3, sous d), de cet article 46 bis.

L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas non plus à l’application d’une telle réglementation nationale pour autant qu’elle n’aboutisse pas, dans le chef de l’intéressé, à une situation défavorable par rapport à celle dans laquelle se trouve une personne dont la situation ne présente aucun élément transfrontalier et, au cas où l’existence d’un tel désavantage serait constatée, qu’elle soit justifiée par des considérations objectives ainsi qu’elle soit proportionnée par rapport à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Madame van den Booren, née en 1920 réside aux Pays-Bas. Son époux, décédé en 1982, a travaillé comme mineur de fond en Belgique de 1951 à 1961. L’office national des pensions (ONP) a attribué rétroactivement à l’intéressée à compter du 1er août 1985 une pension de survie belge d’un montant annuel de 1.879,03 euros. De son côté à la même date l’institution néerlandaise à attribué à Madame van den Booren une pension de vieillesse néerlandaise au titre de l’assurance vieillesse généralisée de 827,13 euros par mois.

A la suite d’une modification de la législation néerlandaise destinée à combler le vide juridique dans lequel se trouvaient certaines épouses dont le conjoint n’avait pas été assuré au titre de l’AOW au motif qu’il exerçait une activité à l’étranger, le montant de la pension néerlandaise de Madame van den Booren a été réévalué et est passé à 869,24 euros par mois, soit 10.430,88 euros par an.

Cette nouvelle décision a été communiquée à l’ONP qui a réduit le montant de la pension de survie et demandé le remboursement des prestations indûment versées pour la période du 1er mars au 31 juillet 2004.

Madame van den Booren ayant formé un recours contre la décision de l’ONP, le tribunal belge demande à la Cour de justice de l’Union européenne si les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 et plus particulièrement son article 46 bis s’opposent à l’application d’une règlementation telle que la règlementation belge en vertu de laquelle une pension de survie est réduite à la suite de l’augmentation d’une pension personnelle perçue au titre de la législation d’un autre État membre. En cas de réponse négative, la juridiction belge souhaiterait savoir si l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que les articles 45 TFUE à 48 TFUE, s’opposent à l’application d’une telle règlementation nationale.

La Cour observe que l’article 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 permet, sauf dispositions contraires, à l’institution d’un État membre de tenir compte de prestations servies par l’institution d’un autre État membre pour appliquer les clauses de réduction prévues par la législation qu’elle applique.

Toutefois, en cas de cumul de prestations de même nature, les clauses de réduction prévues par une législation nationale ne sont pas applicables à une prestation liquidée par totalisation proratisation.

Selon l’article 46 bis, paragraphe 1, par prestations de même nature on entend les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants « calculées ou servies sur la base de périodes d’assurance et/ou de résidence accomplies par une même personne ».

Dans le cas de Madame van den Booren la pension de survie a été calculée sur la base des périodes d’assurance accomplies par son défunt époux et sa pension de vieillesse néerlandaise est une pension personnelle. Le règlement ne s’oppose donc pas à l’application de la législation belge en matière de cumul.

Par ailleurs, selon l’article 46 bis, paragraphe 3, sous d), la prestation due en vertu d’un État ne peut être réduite que dans la limite du montant de la prestation due en vertu de la législation de l’autre État. La pension belge ne peut donc être réduite que dans la limite du montant de la pension de vieillesse néerlandaise.

La Cour constate que l’article 46 bis ne s’oppose pas à l’application d’une législation qui prévoirait la réduction d’une pension de survie à la suite de l’augmentation d’une pension personnelle perçue sur le territoire d’un autre État.

S’agissant de la conformité de la disposition en cause avec le Traité, la Cour rappelle que le droit de l’Union s’oppose à toute mesure nationale qui créerait une discrimination indirecte en s’appliquant indistinctement à toute personne quelle que soit sa nationalité, mais qui en fait créerait une situation défavorable pour le travailleur migrant par rapport à la personne qui n’aurait pas fait usage de son droit à la libre circulation. Dans le cas où un tel désavantage serait constaté, il faut que la règle soit proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par le droit national. La Cour précise qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier si la règle nationale est justifiée par des considérations objectives et si elle est proportionnée par rapport à l’objectif du droit national.