Affaire C 126/95

A. Hallouzi-Choho contre Bestuur Van De Sociale Verzekeringsbank

Arrêt du 3 octobre 1996

Accord de coopération CEE-Maroc, article 41 § 1 - Principe de non discrimination en matière de sécurité sociale - Effet direct - Epouse d'un travailleur migrant marocain - Modalités particulières d'application de la législation néerlandaise

"L'article 41, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et le royaume du Maroc, signé à Rabat le 27 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2211/78 du Conseil, du 26 septembre 1978, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à-ce qu'un État membre refuse, au motif que l'intéressée est de nationalité marocaine, d'accorder des prestations qui, tels les avantages transitoires établis par l'AOW, sont prévues par sa législation en faveur des nationaux qui satisfont à certaines conditions de résidence dans cet État à l'épouse d'un travailleur marocain qui remplit ces conditions de résidence. "

Madame Hallouzi-Choho, ressortissante marocaine, conjointe d'un travailleur marocain retraité, réside aux Pays-Bas avec son époux. L'intéressée elle-même n'a jamais exercé d'activité professionnelle dans la Communauté. A l'âge de 65 ans, le 1er juillet 1991, Madame Hallouzi-Choho a obtenu une pension de vieillesse du régime néerlandais calculée sur la base de ses années de résidence aux Pays-Bas, avec un taux de réduction de 78 %. Toutefois, pour le calcul de la pension, la SVB (Social Verzekerinsbank ) n'a pas appliqué les dispositions transitoires de la législation néerlandaise au motif que la requérante n'était pas de nationalité néerlandaise.

Il convient de préciser que lors de l'introduction de l'AOW (Algemene Ouderdomswet) en 1957, le régime transitoire mis en place a permis d'assimiler à des périodes d'assurance les périodes accomplies entre le quinzième anniversaire du requérant et le 1er janvier 1957, à condition que l'intéressé ait résidé aux Pays-Bas entre son cinquante-cinquième et son soixante-cinquième anniversaire, qu'il continue à y résider après son soixante-cinquième anniversaire, et qu'il soit de nationalité néerlandaise. Cette condition de nationalité n'est pas applicable aux ressortissants de l'Espace Economique Européen, ainsi qu'aux ressortissants des pays avec lesquels les Pays-Bas ont signé une convention prévoyant un régime d'assimilation aux ressortissants néerlandais.

Devant le refus de la SVB, Madame Hallouzi-Choho a formulé un recours devant les juridictions néerlandaises qui ont demandé à la Cour de Justice des Communautés Européennes si l'article 41 § 1 de l'accord de coopération CEE-Maroc permettait d'octroyer à un membre de la famille d'un travailleur marocain le bénéfice des dispositions transitoires de la législation néerlandaise en matière d'assurance vieillesse.

La Cour de Justice des Communautés Européennes rappelle tout d'abord l'effet direct de l'article 41 § 1 qui interdit toute discrimination des travailleurs marocains et les membres de leur famille résidant avec eux, en raison de leur nationalité. S'agissant de la portée de ce principe de non-discrimination, elle indique que cet article ne s'applique pas uniquement au travailleur, mais également aux membres de sa famille qui résident avec lui.

Sur ce point le gouvernement néerlandais avait fait savoir que la prestation en cause étant une prestation de droit propre, elle ne pouvait pas être réclamée par le membre de la famille d'un travailleur. Il ajoutait que, selon la jurisprudence Kermaschek (affaire n° 40/76, arrêt du 23 novembre 1976), les membres de la famille d'un travailleur ne pouvaient réclamer que des droits dérivés, à savoir les droits acquis en leur qualité de membre de la famille d'un travailleur. Certes, dans l'arrêt Kziber comme dans l'arrêt Krid, la Cour avait affirmé l'inapplicabilité de la jurisprudence Kermaschek "dans la mesure où la sphère subjective de l'accord ne coïncide pas avec celle de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1408/71". De ce fait, le gouvernement néerlandais poursuivait que cette jurisprudence appliquée par la Cour conduisait à traiter plus défavorablement des membres de la famille d'un travailleur communautaire que les membres de la famille d'un ressortissant d'un État tiers avec lequel la communauté a conclu un accord.

Cet argument du gouvernement néerlandais n'était plus valable à la suite de l'arrêt Cabanis-Issarte par lequel la Cour de Justice des Communautés Européennes a effectué un revirement de jurisprudence. En effet, dans cet arrêt, la Cour reconnaît à Madame Cabanis-Issarte, membre de la famille d'un travailleur communautaire, le droit de bénéficier des prestations transitoires de l'AOW dans les mêmes conditions que celles prévues pour les nationaux.

Enfin, au cours de l'audience, le gouvernement français avait demandé à la Cour de limiter les effets de l'arrêt dans le temps, dans l'hypothèse où les mesures transitoires de la législation néerlandaise devraient être appliquées à un membre de la famille d'un travailleur marocain.

La Cour indique que l'interprétation de l'article 41 § 1 de l'accord ne pouvait donner lieu à aucune incertitude depuis l'arrêt Kziber et elle en conclut que dans ces conditions il n'y a pas lieu de limiter l'effet de l'arrêt dans le temps.