Affaire C 12/93

Bestuur Van De Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging contre V.A. Drake

Arrêt du 20 septembre 1994

Sécurité sociale - Validité de l'annexe VI, lettre I (actuellement J), point 4 du Règlement (CEE) n° 1408/71

"L'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'annexe VI, lettre I (Q dans la dernière version), point 4 du règlement (CEE) n° 1408171 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983."

Dans cette affaire, il s'agit d'un litige opposant Monsieur Drake à la Bestuur Van de Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging au sujet de l'octroi d'une pension d'invalidité néerlandaise. L'intéressé avait exercé une activité professionnelle aux Pays-Bas du 24 octobre 1968 au 5 novembre 1971, avant d'exercer une activité en Allemagne du 30 novembre 1971 au 23 octobre 1980.

A partir du 24 octobre 1980 et jusqu'au 1er juillet 1984, Monsieur Drake n'a exercé aucune activité professionnelle et n'a bénéficié d'aucune prestation de remplacement. Par décision du 24 mars 1986, l'intéressé a été reconnu invalide au sens de la législation allemande, et a obtenu une pension d'invalidité de ce régime à compter du 1er juillet 1984 sur la base de ses périodes d'assurance en Allemagne.

Il a introduit une demande de pension du régime néerlandais qui lui a été refusée au motif que, n'étant pas salarié au moment de la survenance du risque, il ne pouvait pas prétendre à des prestations au titre de la W.A.O. De plus, au regard de l'A.A.W., il n'avait perçu aucun revenu durant l'année précédant le début de l'incapacité de travail.

Il convient de préciser qu'aux Pays-Bas, l'assurance obligatoire invalidité fait l'objet de deux réglementations :

- la loi générale sur l'incapacité de travail (A.A.W.) qui créée une assurance obligatoire pour tous les résidents aux Pays-Bas. Le droit aux prestations, ainsi que leur calcul n'est soumis à aucune condition relative à la durée d'assurance. L'assuré doit simplement avoir perçu des revenus d'un certain montant provenant d'une activité professionnelle au cours de l'année qui précède le début de l'incapacité.

- la loi W.A.O. est une assurance invalidité obligatoire pour tous les salariés. Ce régime prévoit également des prestations dont le montant est indépendant des périodes d'assurance. Toutefois, pour obtenir une prestation de l'assurance W.A.O., il faut qu'au moment de la réalisation du risque, le travailleur exerce une activité salariée.

Au moment des faits, lorsque ces deux prestations faisaient l'objet de demandes simultanées, celle due au titre de la W.A.O. (assurance salariée) n'était versée que si son montant dépassait celui de l'A.A.W. Cependant, si l'intéressé ne pouvait pas prétendre à une prestation de l'A.A.W., la rente invalidité W.A.O. était servie dans sa totalité. Monsieur Drake a formulé un recours contre la décision de rejet de l'institution néerlandaise.

Dans sa version initiale, le règlement n° 1408/71 permettait, en principe, à des travailleurs ayant cessé d'être assujettis au régime néerlandais de sécurité sociale de bénéficier de prestations au titre de la W.A.O. si les intéressés pouvaient prétendre à des prestations d'invalidité d'un autre État membre.

Toutefois, à la suite de la modification du règlement en 1981 (règlement (CEE) n° 1390/81 du 12 mai 1981), selon l'annexe VI, Pays-Bas, seuls les travailleurs en activité au moment de la réalisation du risque pouvaient prétendre à des prestations de la W.A.O.

La juridiction néerlandaise demande si une annexe des règlements peut légitimement modifier la portée de ceux-ci, et elle s'interroge sur la légitimité de cette modification.

La Cour indique que "les articles 48 et 51 du Traité s'opposent à ce que, par suite de l'exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs perdent des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d'un État membre ; une telle conséquence pourrait dissuader le travailleur communautaire d'exercer son droit à la libre circulation, et constituerait dès lors une entrave à cette liberté".

Elle observe que ce n'est cependant pas le cas dans cette affaire. En effet, si l'intéressé avait uniquement travaillé aux Pays-Bas, et qu'il avait cessé son activité, il se serait trouvé dans la même situation. Il n'aurait pu prétendre à aucune prestation d'invalidité du régime néerlandais. La situation de Monsieur Drake n'est donc pas due au fait qu'il a usé de son droit à la libre circulation. Elle en conclut que les modalités d'application de la législation invalidité néerlandaise fixées à l'annexe VI du règlement ne sont pas contraires aux articles 48 et 51 du Traité.

En ce qui concerne la légitimité de l'introduction de cette condition supplémentaire, la Cour rappelle que l'article 51 du Traité et le règlement n° 1408/71 prévoient uniquement la totalisation des périodes d'assurance accomplies sur les territoires de différents États membres, mais ne règlent pas les conditions de constitution de ces périodes. Il appartient à chaque État membre de déterminer les conditions d'affiliation au régime. La seule obligation de l'État sur ce point, c'est de ne pas faire de discrimination entre les nationaux et les ressortissants communautaires.

Les législateurs nationaux sont tout à fait en droit de modifier les conditions d'octroi de pension de leur législation. La condition de revenus posée dans la législation néerlandaise vise indistinctement les nationaux et les autres ressortissants. Cette modification n'est donc pas contraire au droit communautaire.