Affaire C-116/23

XXXX contre Sozialministeriumservice (service ministériel des affaires sociales autrichien)

Arrêt du 11 avril 2024

Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Prestations familiales - Règlement (CE) n° 883/2004 - Article 3 - Prestations de maladie - Champ d'application - Allocation de congé de proche aidant - Ressortissant d'un Etat membre résidant et travaillant dans un autre Etat membre et soignant un membre de sa famille dans le premier Etat membre - Caractère accessoire à l'allocation de dépendance - Article 4 - Egalité de traitement

  1. L'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 883/2004 doit être interprété en ce sens que la notion de prestations de maladie, au sens de cette disposition, couvre une allocation de congé de proche aidant versée à un salarié qui assiste ou soigne un proche titulaire d'une allocation de dépendance dans un autre Etat membre et qui bénéficie, à ce titre, d'un congé sans solde.
  2. L'article 45, paragraphe 2, TFUE, l'article 4 du règlement n° 883/2004 ainsi que l'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre en vertu de laquelle l'octroi d'une allocation de congé de proche aidant est soumis à la condition que la personne bénéficiant des soins reçoive une allocation de dépendance d'un certain niveau en vertu de la législation de cet Etat membre, à moins que cette condition ne soit objectivement justifiée par un but légitime tenant, notamment, au maintien de l'équilibre financier du régime de sécurité sociale national, et ne constitue un moyen proportionné permettant d'atteindre ce but.

I. Faits et procédure

Dans cette affaire, la juridiction autrichienne interroge la CJUE dans le cadre d'un litige opposant un ressortissant italien résidant et travaillant en Autriche, au service ministériel des affaires sociales, au sujet du refus de lui octroyer une allocation de congé de proche aidant. Le requérant a convenu avec son employeur d'un congé sans solde pour prendre soin de son père en Italie. Ce dernier bénéficiait d'une allocation de dépendance au titre de la législation italienne. Il est décédé durant ce congé.

Le juge national se demande si l'allocation de congé de proche aidant constitue une prestation de maladie au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 883/2004. Il questionne également la conformité de la réglementation autrichienne au principe de non-discrimination ou d'égalité de traitement mis en oeuvre dans le domaine de la sécurité sociale par les articles 4 du règlement n° 883/2004, 45, paragraphe 2, TFUE et 7, paragraphe 2, du règlement n° 492/2011. Cette réglementation subordonne l'octroi de l'allocation de congé de proche aidant à la condition que le soigné bénéficie d'une prestation de dépendance d'un certain niveau au titre de la législation nationale.

II. Réponse de la Cour

Dans ce contexte, la CJUE rappelle sa jurisprudence constante : une prestation est considérée comme une prestation de sécurité sociale sous 2 conditions cumulatives :

  1. Elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d'une situation légalement définie.
  2. Elle se rapporte à l'un des risques énumérés expressément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004. Les prestations de maladie au sens de cette disposition visent la guérison du malade, en procurant les soins que nécessite son état et couvrent le risque lié à un état morbide.

En l'espèce, la première condition est satisfaite car l'allocation est accordée de plein droit lorsque le demandeur bénéficie d'un congé de proche aidant, sans que l'autorité compétente puisse tenir compte d'autres circonstances personnelles au demandeur. La seconde condition est également remplie car l'allocation de congé de proche aidant permet au soignant de procurer les soins nécessaires au soigné. La Cour conclut que cette allocation constitue une prestation de maladie entrant dans le champ d'application du règlement n° 883/2004.

Elle examine ensuite sa conformité au principe d'égalité de traitement protégé par le droit de l'Union. La législation autrichienne impose indirectement en tant que condition d'éligibilité à l'allocation de congé de proche aidant, qui présente un caractère accessoire à l'allocation de dépendance, la résidence habituelle du proche aidé sur le territoire national. Une telle condition de résidence en Autriche constitue, en l'absence de justification, une discrimination indirecte susceptible de défavoriser davantage les ressortissants d'autres Etats membres dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux.

La Commission européenne invoque dans ses observations écrites comme justification éventuelle l'objectif du maintien de l'équilibre financier du régime de sécurité sociale national. Selon la CJUE, l'objectif de limiter le bénéfice de prestations financées par des fonds publics aux cas de dépendance de niveau 3 ou supérieur, impliquant un degré de soins élevé et l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle pour l'aidant, paraît légitime.

En revanche, la Cour souligne qu'une telle condition relative au degré de dépendance peut également être remplie lorsque l'allocation de dépendance est accordée conformément à la législation d'un autre Etat membre, sur la base du principe jurisprudentiel d'assimilation des prestations, revenus et faits consacré à l'article 5 du règlement n° 883/2004.

La Cour renvoie à la juridiction nationale l'appréciation définitive de la justification invoquée (existence d'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du régime de sécurité sociale national) et du caractère nécessaire et proportionné des modalités d'octroi de la prestation en cause.