Affaire C 115/11

Format Urzadzenia i Montaze Przemyslowe sp. Z o.o. c/Zaklad Ubezpieczen Spolecznych (ZUS)

Arrêt du 4 octobre 2012

Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable - Règlement (CEE) n° 1408/71 - Article 14, § 2, sous b) - Personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres - Contrats de travail successifs - Employeur établi dans l'État membre de séjour habituel du travailleur - Activité salariée exercée exclusivement dans les autres États membres.

L’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une personne qui, dans le cadre de contrats de travail successifs précisant comme lieu de travail le territoire de plusieurs États membres, ne travaille, dans les faits, pendant la durée de chacun de ces contrats, que sur le territoire d’un seul de ces États à la fois ne peut relever de la notion de «personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres» au sens de cette disposition.

La Société Format, dont le siège est à Varsovie (Pologne), exerce dans certains États membres des activités en qualité de sous-traitant dans le secteur de la construction. En 2008, Format était active sur 15 à 18 chantiers simultanément, dans cinq ou six États membres. Cette société opérait en employant des travailleurs recrutés en Pologne afin de les détacher sur des chantiers en cours dans les différents États membres selon les besoins de l’entreprise et selon la nature du travail à effectuer.

Un travailleur qui devait être détaché auprès d’un autre site de construction recevait un ordre de mission. En cas de cessation du contrat de construction et d’absence de travail ce travailleur rentrait en Pologne et bénéficiait alors d’un congé sans solde, ou bien il était mis fin au contrat de travail. En principe, le travailleur devait exercer ses fonctions dans les pays de l’Union européenne.

M. Kita a été employé à plein temps par Format à trois reprises sur la base de contrats de travail à durée déterminée.

Le premier contrat conclu pour la période du 17 juillet 2006 au 31 janvier 2007, prolongé par un avenant jusqu’au 22 décembre 2007 définissait le lieu d’exécution du travail comme étant «les installations et constructions en Pologne et sur le territoire de l’Union européenne (Irlande, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Finlande), selon les instructions de l’employeur». Dans le cadre de ce contrat, M. Kita a travaillé uniquement en France. En application de l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1408/71, le ZUS a délivré à M. Kita un certificat E 101 concernant la législation applicable pour la période du 17 juillet 2006 au 22 décembre 2007. À la suite de la cessation du contrat le 30 novembre 2006, ce certificat a été corrigé pour viser la période du 17 juillet au 30 novembre 2006.

Dans le cadre du deuxième contrat couvrant la période du 4 janvier 2007 au 21 décembre 2008, pendant laquelle M. Kita a exercé son activité en France, le ZUS a délivré un certificat E 101 du 4 janvier 2007 au 21 décembre 2008. Du 22 août 2007 au 31 décembre 2007, M. Kita s’est trouvé dans l’incapacité de travailler pour cause de maladie et le contrat a pris fin le 5 avril 2008.

Par décision du 23 juillet 2008, adressée à Format et à M. Kita, le ZUS, se fondant sur la législation polonaise et sur l’article 14, paragraphes 1, sous a), et 2, sous b), du règlement n° 1408/71, a refusé de délivrer l’attestation concernant la législation applicable au moyen du certificat E 101. Selon cette décision, M. Kita était non pas une «personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres», au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1408/71, mais un travailleur détaché en fonction de la situation de l’employeur.

La juridiction polonaise demande à la Cour de justice de l’Union européenne si une personne qui dans le cadre de contrats de travail successifs précisant comme lieu de travail plusieurs États membres, mais ne travaillant dans les faits que sur le territoire de l’un de ces États à la fois, peut relever de la notion de personne qui exerce normalement une activité sur le territoire de deux ou plusieurs États membres.

La Cour rappelle que selon une jurisprudence constante le titre II du règlement n° 1408/71 constitue un système complet et uniforme des règles de conflit de lois dont le but est de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de la communauté à la législation d’un seul État membre afin d’éviter les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter.

La Cour reprend les observations de la Commission qui estimait que pour relever de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 une personne doit exercer « normalement » une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres. Si l’exercice de l’activité salariée dans un seul État membre constitue le régime normal de la personne concernée, celle-ci ne peut relever de l’article 14, paragraphe 2.

Pour la Cour il convient de tenir compte de l’existence d’une divergence d’une part entre les contrats de travail et les lieux d’exécution du travail qu’ils prévoient et sur la base desquels Format a réclamé la délivrance du formulaire E 101 et d’autre part la manière dont les obligations ont été exécutées en pratique dans le cadre de ces contrats.

Elle précise que l’institution qui émet le formulaire est tenue de procéder à une appréciation correcte des faits pertinents afin de garantir l’exactitude des mentions figurant sur le certificat. Lors de l’appréciation des faits aux fins de la législation applicable, l’institution compétente peut tenir compte en plus des documents contractuels, d’éléments tels la manière dont les contrats de travail ont été exécutés en pratique dans le passé dans la mesure où ces éléments peuvent éclairer la nature réelle du travail.

S’il ressort que la situation du travailleur diffère en fait de celle décrite dans les documents, il appartient à l’institution concernée de fonder ses constatations sur la situation réelle du travailleur salarié et, le cas échéant, de refuser de délivrer le formulaire E 101.

Selon une jurisprudence constante, il appartient à l’institution qui a déjà délivré un certificat E 101 de reconsidérer le bien fondé de cette délivrance et, le cas échéant, de le retirer lorsque l’institution de l’État où le travailleur exerce son activité émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base du certificat.

Dans le contrat l’activité consistait dans « des installations et constructions en Pologne et sur d’autres territoires de l’Union européenne (Irlande, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Finlande) selon les instructions de l’employeur ». Toutefois il ressort des informations non contestées que dans le cadre desdits contrats Monsieur Kita exerçait en permanence une activité pendant plusieurs mois ou plus de 10 mois sur le territoire d’un seul État membre, à savoir en France. Dans le cadre du contrat suivant il travaillait uniquement en Finlande.

La Cour estime que dans ces conditions l’intéressé ne peut pas être considéré comme exerçant normalement une activité salariée sur le territoire de plusieurs États membres au sens de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71.

Pour la Cour la situation de Monsieur Kita relève de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement précité (affiliation dans le pays où est exercée l’activité salariée) et le cas échéant, durant les périodes d’interruption de travail, les dispositions du point f), (législation du lieu de résidence si aucune autre législation n’est applicable).