Affaire C 113/97

Henia Babahenini contre État belge

Arrêt du 15 janvier 1998

Accord de coopération CEE-Algérie, article 39 § 1 - Principe de non discrimination en matière de sécurité sociale - Effet direct - Champ d'application - Allocation pour handicapés

"L'article 39, paragraphe 1, de l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République algérienne démocratique et populaire, signé à Alger le 26 avril 1976 et approuvé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2210/78 du Conseil, du 26 septembre 1978, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre refuse d'accorder une prestation telle que l'allocation pour handicapés, prévue par sa législation en faveur des nationaux ayant leur résidence dans cet État et indépendamment de l'exercice d'une activité salariée, à l'épouse handicapée d'un travailleur algérien pensionné, laquelle réside avec son mari dans l'État membre concerné, au motif qu'elle est de nationalité algérienne et n'a jamais exercé d'activité professionnelle."

Madame Babahenini est la conjointe d'un ressortissant algérien ayant exercé une activité salariée en Belgique au titre de laquelle il bénéficie d'une pension de vieillesse. L'intéressée, qui n'a jamais travaillé en Belgique, a formulé une demande d'allocation pour handicapés.

Selon la loi belge, l'allocation pour handicapés est servie aux personnes résidant sur le territoire belge, ayant la qualité de ressortissants communautaires, d'apatrides ou de réfugiés ou ayant bénéficié jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans de la majoration de l'allocation familiale. Les autorités belges ont rejeté la demande de l'intéressée au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions de nationalité fixées par le texte.

Le tribunal belge, auprès duquel Madame Babahenini a introduit un recours, demande à la Cour de Justice des Communautés Européennes si l'article 39, paragraphe 1, de l'accord de coopération CEE-Algérie s'oppose à ce qu'un État membre refuse une allocation pour handicapés prévue pour les nationaux ayant leur résidence sur cet État, sans exigence pour ces nationaux de conditions d'activité professionnelle, à l'épouse handicapée d'un ancien travailleur algérien résidant sur le territoire en cause au motif que l'intéressée est de nationalité algérienne et qu'elle n'a jamais exercé d'activité professionnelle.

Sur l'effet direct de l'article 39, paragraphe 1, de l'accord, la Cour rappelle sa nombreuse jurisprudence dans laquelle elle a posé le principe de non discrimination de l'article précité et de son application directe.

Sur le champ d'application personnel de l'accord, les autorités belges faisaient valoir que l'allocation de handicapés est une prestation de droits propres alors "qu'en sa qualité de membre de la famille d'un travailleur, la requérante ne devrait prétendre qu'à des prestations de droits dérivés.

La Cour de Justice des Communautés Européennes observe que l'article précité s'applique aux travailleurs de nationalité algérienne, c'est à dire aux travailleurs actifs et à ceux qui ont quitté le marché du travail en bénéficiant d'une pension de vieillesse. Elle précise que l'accord s'applique à l'époux de l'intéressée comme à cette dernière.

S'agissant de la distinction entre les droits propres et les droits dérivés, la Cour n'a jamais appliqué cette distinction pour l'interprétation de l'article 39, paragraphe 1, et donc Madame Babahenini peut donc se prévaloir de cet article en sa qualité de membre de la famille du travailleur.

Enfin, en ce qui concerne le champ d'application matériel de l'accord, la Cour indique qu'elle s'est toujours référée pour déterminer la notion de sécurité sociale à celle figurant dans le règlement (CEE) n° 1408/71. Or, depuis la modification du règlement par le règlement (CEE) n° 1247/92 du 30 avril 1992, les prestations destinées à assurer une protection spécifique aux handicapes sont expressément visées dans le champ de l'accord.

Elle conclut que l'on ne peut pas opposer une condition de nationalité à un membre de la famille d'un travailleur algérien résidant avec ce dernier sur le territoire d'un État membre pour lui refuser de servir une prestation pour handicapés. De même, il n'y a pas lieu d'exiger une condition d'activité professionnelle pour le service de cette prestation, si cette condition n'est pas exigée des nationaux eux-mêmes.