Arrêt du 23 janvier 2020
Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Règlement (CE) n° 883/2004 - Prestations de chômage - Calcul - Défaut de prise en compte du dernier salaire perçu dans l'Etat membre de résidence - Période de référence trop courte - Salaire perçu postérieurement à la cessation de la relation de travail - Personne ayant auparavant exercé une activité salariée en Suisse
ZP est de nationalité allemande et réside en Allemagne. Du 01/07/1990 au 31/10/2014, il a travaillé en tant que frontalier dans une entreprise située en Suisse. Du 01/11/2014 au 24/11/2014, il a exercé une activité salariée en Allemagne. Son salaire au titre du mois de novembre 2014 a été établi et payé le 11/12/2014.
A compter du 25/11/2014, l'Agence fédérale de l'emploi lui a accordé une allocation de chômage :
ZP conteste le montant des prestations de chômage.
La juridiction de renvoi relève d'abord qu'une interprétation stricte de l'article 62, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004 retiendrait comme base de calcul de l'allocation de chômage le salaire perçu par ZP au titre de son dernier emploi en Allemagne et non un salaire fictif en application du droit national, ce règlement primant ces dernières dispositions.
Elle estime toutefois que l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement ne prévoient qu'une coordination (et non une harmonisation) des législations de sécurité sociale des Etats membres, qui restent compétents pour fixer les conditions auxquelles leur droit national soumet les prestations.
La juridiction allemande se demande alors si la mention, à l'article 62 du règlement (CE) n° 883/2004, du salaire perçu pour la dernière activité ne constitue qu'un rattachement de principe pour la coordination du droit social, laissant subsister les règles de calcul des prestations appliquées par les Etats membres. Elle s'interroge sur la compatibilité de la législation allemande en matière de calcul des allocations de chômage avec l'article 62, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 883/2004.
Dans cette affaire, ZP est un ressortissant allemand qui a été soumis à la législation suisse, avant d'exercer une activité professionnelle en Allemagne, à l'issue de laquelle il a perçu une allocation de chômage au titre de la législation de cet Etat membre.
La CJUE rappelle que :
Elle conclut que ZP relève du champ d'application du règlement n° 883/2004.
La CJUE constate que le libellé de l'article 62, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004 est sans équivoque : si la législation d'un Etat membre prévoit que le calcul des prestations de chômage repose sur le montant du salaire antérieur, l'institution compétente doit tenir compte exclusivement du salaire afférent à la dernière activité exercée sous cette législation.
Cette exigence n'est assortie d'aucune dérogation. L'exception figurant à la disposition correspondante du règlement (CEE) n° 1408/71 (article 68, paragraphe 1, qui prévoyait une autre base de calcul des prestations de chômage lorsque l'assuré n'avait pas exercé son dernier emploi pendant 4 semaines au moins dans l'Etat compétent) n'a pas été reprise à l'article 62, paragraphe 1, du règlement (CE) n 883/2004.
Conformément au paragraphe 2, l'exigence de tenir compte exclusivement du dernier salaire perçu sous la législation de l'Etat compétent s'applique aussi au cas où :
La Cour en déduit que si la législation d'un Etat membre peut définir une période de référence pour déterminer le salaire servant de base au calcul des prestations, elle doit tenir compte des périodes d'emploi accomplies sous la législation d'autres Etats membre pour examiner si la période de référence prescrite a été atteinte.
Dans cette affaire, la législation allemande viole le droit de l'Union, dans la mesure où, pour le calcul de l'allocation chômage :
Cette interprétation est conforme aux objectifs du règlement (CE) n° 883/2004.
La CJUE rappelle que le règlement (CE) n° 883/2004 vise à :
En particulier s'agissant du calcul des prestations de chômage prévu à l'article 62, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 883/2004, la Cour a déjà jugé que la disposition correspondante du règlement (CEE) n° 1408/71 avait pour objectif de faciliter la mobilité des travailleurs, en assurant des prestations tenant compte des conditions d'emploi, notamment de rémunération, dont ils bénéficiaient sous la législation de l'Etat membre du dernier emploi (arrêt du 28/02/1980, Fellinger, 67/79, point 7).
Dans cette affaire, la Cour estime que :
La CJUE précise que, si certains aspects du calcul des prestations de chômage, notamment le choix de prévoir que ce calcul repose sur le montant du salaire antérieur, relèvent effectivement de la compétence des Etats membres, lorsqu'un Etat a opéré un tel choix dans sa législation, l'article 62, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 883/2004 garantit la prise en compte exclusive du salaire perçu pour la dernière activité exercée sous cette législation.
Dans l'exercice de leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, les Etats membres doivent respecter le droit de l'Union et, en particulier, les dispositions relatives à la liberté de circulation.