Arrêt du 09 octobre 2014
Renvoi préjudiciel - Sécurité sociale - Règlement (CEE) nº 1408/71 - Article 22, paragraphe 2, second alinéa - Assurance maladie - Soins hospitaliers dispensés dans un autre État membre - Refus d'autorisation préalable - Défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité
L'article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) nº 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, doit être interprété en ce sens que l'autorisation requise au titre du paragraphe 1, sous c), i), du même article ne peut être refusée lorsque c'est en raison d'un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité que les soins hospitaliers dont il s'agit ne peuvent être dispensés en temps opportun dans l'État membre de résidence de l'assuré social. Cette impossibilité doit être appréciée au niveau de l'ensemble des établissements hospitaliers de cet État membre aptes à dispenser lesdits soins et au regard du laps de temps au cours duquel ces derniers peuvent être obtenus en temps opportun.
La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 22, §2, 2ème alinéa, du règlement (CEE) 1408/71, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Mme Petru à la caisse départementale d'assurance maladie de Sibiu ainsi qu'à la caisse nationale d'assurance maladie (Roumanie), au sujet de soins hospitaliers dispensés en Allemagne dont elle a demandé le remboursement à titre de dommages et intérêts.
Mme Petru, de nationalité roumaine, souffre d'affections vasculaires graves dont l'évolution a nécessité son hospitalisation dans un établissement spécialisé de Timisoara (Roumanie). Les examens médicaux qu'elle y a subis ont conduit à la décision de procéder à une opération à coeur ouvert. Durant son hospitalisation, Mme Petru a estimé que les médicaments et les fournitures médicales de première nécessité faisaient défaut et que le nombre de lits était insuffisant. Compte tenu, par ailleurs, de la complexité de l'intervention chirurgicale qu'elle devait subir, Mme Petru a décidé de se faire opérer en Allemagne et elle a demandé à sa caisse d'assurance maladie la prise en charge de cette intervention.
La demande a été rejetée au motif qu'il ne ressortait pas du rapport du médecin traitant que la prestation ne pouvait pas être effectuée dans une structure médicale en Roumanie, dans un délai raisonnable au regard de son état de santé et de l'évolution probable de sa maladie. Mme Petru a introduit une action en vue d'obtenir une condamnation des caisses maladie roumaines à lui verser la contre valeur de la somme de 17 714,70 euros, en invoquant les arguments développés ci-dessus.
Aussi, le tribunal de grande instance de Sibiu (Roumanie), saisi de l'affaire, a-t-il décidé de demander à la Cour de Justice de l'Union Européenne si la situation dans laquelle les médicaments et le fournitures médicales de première nécessité font défaut, équivaut à une situation dans laquelle les soins médicaux nécessaires ne peuvent être dispensés dans l'Etat de résidence, de sorte qu'un ressortissant de cet Etat, s'il le demande, doit être autorisé à bénéficier de ces soins dans un autre Etat membre, et ce, à la charge du régime de sécurité sociale de l'Etat de résidence.
La Cour rappelle sa jurisprudence antérieure, à savoir que le règlement 1408/71 impose deux conditions dont la réunion rend obligatoire la délivrance de l'autorisation préalable : il faut que les soins concernés figurent parmi les prestations prévues par la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel réside l'assuré social et que ces soins ne peuvent être dispensés dans le délai normalement nécessaire dans son Etat de résidence, compte tenu de son état actuel de santé et de l'évolution probable de sa maladie.
Aux fins d'apprécier si un traitement présentant le même degré d'efficacité peut être obtenu en temps utile dans l'État membre de résidence, l'institution compétente est tenue de prendre en considération l'ensemble des circonstances caractérisant chaque cas concret, en tenant dûment compte non seulement de la situation médicale du patient au moment où l'autorisation est sollicitée et, le cas échéant, du degré de douleur ou de la nature du handicap de ce dernier, qui pourrait, par exemple, rendre impossible ou excessivement difficile l'exercice d'une activité professionnelle, mais également de ses antécédents.
La Cour conclut que, parmi ces circonstances, un défaut de médicaments et de fournitures médicales de première nécessité, tout comme l'absence d'équipements ou de compétences spécialisées, peut rendre impossible, en temps utile, la délivrance de soins identiques ou présentant le même degré d'efficacité, dans l'Etat membre de résidence. Dans cette hypothèse, l'autorisation préalable ne peut être refusée. En effet, l'article 22 §2, 2ème alinéa ne fait pas de distinction selon les différentes raisons pour lesquelles une prestation médicale déterminée ne peut être fournie en temps opportun.
Cependant, la Cour précise que cette impossibilité doit être appréciée, d'une part, au niveau de l'ensemble des établissements hospitaliers de l'Etat membre de résidence, aptes à dispenser les soins en cause et, d'autre part, au regard du laps de temps au cours duquel les soins peuvent être obtenus en temps opportun.
Or, le gouvernement roumain a relevé que Mme Petru avait le droit de s'adresser à d'autres établissements de soins qui disposaient, en Roumanie, de l'équipement nécessaire pour réaliser l'intervention nécessaire. En outre, le rapport du médecin traitant indique que l'intervention devait être effectuée dans un délai de trois mois. La Cour en conclut qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier si l'intervention n'aurait pas pu être réalisée dans ce délai dans un autre établissement hospitalier en Roumanie.