Affaire C 187/15

Joachim Pöpperl contre Land Nordrhein-Westfalen

Arrêt du 13 juillet 2016

Renvoi préjudiciel - Article 45 TFUE - Libre circulation des travailleurs - Fonctionnaire d'un État membre ayant quitté le service public afin d'exercer un emploi dans un autre État membre - Réglementation nationale prévoyant dans ce cas la perte des droits à pension de vieillesse acquis dans la fonction publique et l'affiliation rétroactive au régime général d'assurance vieillesse

« 1) L'article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle une personne ayant le statut de fonctionnaire dans un État membre qui quitte ses fonctions volontairement pour exercer un emploi dans un autre État membre perd ses droits à une pension de vieillesse au titre du régime de pension de vieillesse des fonctionnaires et est affiliée rétroactivement au régime général d'assurance vieillesse, ouvrant droit à une pension de vieillesse inférieure à celle qui résulterait de ces droits.

2) L'article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il incombe à la juridiction nationale d'assurer le plein effet de cet article et d'accorder aux travailleurs, dans une situation telle que celle en cause au principal, des droits à pension de vieillesse comparables à ceux des fonctionnaires qui conservent les droits à une pension de vieillesse correspondant, malgré un changement d'employeur public, aux annuités qu'ils ont accomplies, en interprétant le droit interne en conformité avec ledit article ou, si une telle interprétation n'est pas possible, en laissant inappliquée toute disposition contraire du droit interne en vue d'appliquer le même régime que celui applicable auxdits fonctionnaires. »

Ce litige oppose M. Pöpperl au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, au sujet de la perte de ses droits à une pension de vieillesse à la suite de sa démission du poste de fonctionnaire occupé pendant quasiment 2 ans auprès dudit Land, afin d'exercer un emploi en Autriche.

En vertu du droit allemand, pour la prise en compte de ses années d'exercice en qualité de fonctionnaire, le requérant doit être affilié rétroactivement à l'assurance pension légale (et non plus au système d'assurance des fonctionnaires) sur la base des traitements bruts qu'il percevait comme fonctionnaire. Il bénéficie de droits à pension inférieurs à ce qu'il aurait perçu s'il était resté fonctionnaire en Allemagne tout au long de sa carrière, et conteste ainsi « la différence de montant entre le droit de pension qu'il avait acquis, au moment de sa démission, au titre dudit régime et celui auquel il a droit, depuis, au titre du régime général d'assurance vieillesse ».

Tout d'abord, la juridiction de renvoi demande à la Cour de justice de l'Union européenne si l'article 45 TFUE peut être interprété en ce sens qu'il « s'oppose à des dispositions nationales selon lesquelles une personne ayant le statut de fonctionnaire dans un État membre perd les droits expectatifs à une pension de vieillesse (pensions du régime de sécurité sociale des fonctionnaires) acquis en tant que fonctionnaire parce qu'elle a volontairement renoncé à son emploi de fonctionnaire pour prendre un nouvel emploi dans un autre État membre ».

La Cour rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle « le but des articles 45 et 48 TFUE ne serait pas atteint si, par suite de l'exercice de leur droit de libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre les avantages de sécurité sociale que leur assure la seule législation d'un État membre ».

Il est précisé que « Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et le gouvernement allemand font valoir que la réglementation nationale en cause au principal est justifiée par l'objectif légitime de garantir le bon fonctionnement de l'administration publique, en ce qu'elle viserait, notamment, à assurer la loyauté des fonctionnaires et ainsi la continuité et la stabilité de la fonction publique. ». Cependant la Cour de justice de l'Union européenne considère que ni le Land concerné, ni l'Etat concerné ne justifient de la nécessité d'une telle réglementation pour garantir le bon fonctionnement de l'administration publique. Dès lors, l'article 45 TFUE doit être interprété de manière à s'opposer à la réglementation litigieuse.

Ensuite, la Cour poursuit son raisonnement en faisant application du principe d'égalité de traitement. Elle explique notamment que « Lorsque le droit national, en violation du droit de l'Union, prévoit un traitement différencié entre plusieurs groupes de personnes, les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés. Le régime applicable aux membres du groupe favorisé reste, à défaut de l'application correcte du droit de l'Union, le seul système de référence valable ».

La Cour de justice de l'Union européenne est ainsi amenée à conclure que « des fonctionnaires allemands ayant renoncé à leur statut dans le but d'exercer un emploi similaire dans un État membre autre que la République fédérale d'Allemagne doivent également disposer de droits à une pension de vieillesse comparables aux droits qu'ils avaient acquis auprès de leur employeur public initial ».