Affaire C 169/98

Commission des communautés européennes contre République Française

Arrêt du 15 février 2000

Sécurité sociale - Financement - Législation applicable - Unicité de législation - Contribution sociale généralisée (CSG)

1) "En appliquant la contribution sociale généralisée aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants qui résident en France, mais qui, en vertu du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE)
n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, ne sont pas soumis à la législation française de sécurité sociale, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 13 dudit règlement ainsi que des articles 48 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 39 CE et 43 CE);

2) La République française est condamnée aux dépens".

Lors de l'institution de la contribution sociale généralisée (CSG) par la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990, étaient redevables de cette contribution sur leurs revenus d'activité ou leurs revenus de remplacement, toutes les personnes physiques qui avaient leur résidence fiscale en France.

Le produit de la CSG est versé à la caisse nationale des allocations familiales, au fonds de solidarité vieillesse et aux régimes obligatoires d'assurance maladie. Elle est recouvrée, lorsqu'elle porte sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement, par les URSSAF (union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales).

En novembre 1994, la Commission européenne avait mis en demeure la France de présenter des observations sur l'application de la CSG aux revenus d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et indépendants résidant en France, mais travaillant dans un autre État membre et qui n'étaient pas soumis au régime français de sécurité sociale, conformément au règlement (CEE) n° 1408/71.

En mars 1995, les autorités françaises faisaient savoir à la Commission qu'elles ne partageaient pas son point de vue sur l'interférence entre la CSG et les cotisations de sécurité sociale versées au titre de la législation d'un autre État membre. Toutefois, depuis novembre 1994, le Gouvernement français avait décidé de suspendre le prélèvement de la CSG sur les revenus perçus hors de France, dans l'attente d'une réforme de la législation française sur ce point.

Les justifications de la Partie française n'ayant pas satisfait la Commission, celle-ci a décidé de présenter un recours en manquement contre la France au motif que le recouvrement de la CSG sur des revenus perçus hors du territoire français constitue un double prélèvement de cotisations sociales contraire à l'article 13, du règlement (CEE) n° 1408/71.

Selon la commission, la CSG est une cotisation de sécurité sociale destinée au financement de plusieurs branches de sécurité sociale mentionnées à l'article 4, du règlement (CEE) n° 1408/71. En prélevant la CSG sur des revenus d'activité professionnelle acquis sur le territoire d'un autre État membre et soumis à cotisations de sécurité sociale dans ce dernier État, la France méconnaît la règle d'unicité de législation prévue à l'article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71.

La France par contre faisait valoir que la CSG devait être considérée comme un impôt qui était dû en fonction du seul critère de résidence sur le territoire français. La qualification d'impôt la faisait échapper au champ d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 et l'unicité de législation prévue par ce texte ne pouvait pas alors être opposable.

La Cour de justice sans chercher à se prononcer sur la nature de la CSG (cotisation ou impôt), observe que ce prélèvement est directement affecté au financement de la sécurité sociale et plus particulièrement à celui des prestations familiales, de la maladie, de la vieillesse, risques visés à l'article 4 du règlement (CEE) n° 1408/71. De plus, ce prélèvement se substitue en partie à des cotisations de sécurité sociale, ce qui permet d'éviter le relèvement des cotisations existantes. Qu'il n'y ait pas de contrepartie directe de prestations est indifférent pour la Cour.

Elle constate que si la CSG s'applique de manière identique à tous les résidents en France, ceux qui travaillent sur le territoire d'un autre État membre doivent financer le régime de sécurité sociale de l'État du lieu de travail et celui de l'État de résidence, alors que ceux de l'État de résidence ne financent que ce dernier État.

Pour la Cour, l'article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71 vise à supprimer les inégalités de traitement qui pourraient être la conséquence d'un cumul partiel ou total des législations applicables. Cet article d'ailleurs ne fait que mettre en œuvre les article 48 et 52 du traité. Le prélèvement de la CSG sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement perçus sur le territoire d'un autre État membre où ces revenus sont déjà soumis à cotisations, crée d'une inégalité de traitement qui constitue une entrave à la libre circulation, pour laquelle aucune justification ne peut être admise.