Le régime français de protection sociale des salariés des professions agricoles

2024

La sécurité sociale française compte un régime propre aux travailleurs salariés et non-salariés du secteur agricole. La note qui suit concerne les salariés agricoles.

I. Introduction

A. Un organisme unique : la mutualité sociale agricole (MSA)

La protection sociale agricole est mise en œuvre par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et les caisses de mutualité sociale agricole, placées sous la tutelle conjointe des ministères chargés de l'agriculture, de l'économie, des finances et de la santé.

La MSA est l'interlocuteur unique pour la protection sociale de ses assurés ; elle gère les prestations d'assurance maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite et famille, et assure également le recouvrement des cotisations sociales et de l'assurance chômage. C'est une institution à structure élective représentative de l'ensemble de la population agricole (exploitants, salariés et leurs ayants droit).

En complément de la protection sociale légale, la MSA mène une politique d'action sanitaire et sociale dans le champ de la solidarité, du handicap et de la dépendance. Elle est aussi chargée de la prévention des risques professionnels des métiers de l'agriculture et de la médecine du travail du secteur.

B. Champ d'application personnel

Les personnes couvertes par le régime des salariés agricoles sont limitativement énumérées à l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime.

II. Cotisations

A. Taux des contributions

1. Assurances sociales agricoles (Asa)

Smic annuel brut pour 35 heures par semaine en 2024 : 21 203,04 €
Plafond annuel de la sécurité sociale en 2024 : 46 368 €
Taux des cotisations Asa
Cotisation Assiette Part employeur Part salarié Taux maximum
Maladie, Maternité, Invalidité, Décès Totalité de la rémunération Rémunération ≤ 2,5 Smic annuel 7 % - 7 %
Rémunération > 2,5 Smic annuel 13 % 13 %
Vieillesse Totalité de la rémunération 2,02 % 0,4 % 2,42 %
Dans la limite du plafond de la sécurité sociale 8,55 % 6,9 % 15,45 %

2. Allocations familiales (AF)

Taux de la cotisation AF
Rémunération Assiette Part employeur Part salarié Taux maximum
Rémunération ≤ 3,5 Smic annuel Totalité de la rémunération 3,45 % - 3,45 %
Rémunération > 3,5 Smic annuel Totalité de la rémunération 5,25 % - 5,25 %

3. Accidents du travail

Le taux d'accident du travail est soit un taux global collectif, soit un taux individualisé. Il varie selon la catégorie de risque à laquelle est rattachée l'exploitation ou l'entreprise. Le taux collectif est fixé par arrêté ministériel.

4. Contributions sociales

Taux des contributions légales recouvrées par la MSA pour le compte de l'État
Contribution Assiette Part employeur Part salarié Total
Contribution sociale généralisée (CSG)1 98,25 % de la rémunération jusqu'à 4 plafonds de la sécurité sociale et 100 % au-delà - 9,2 % 9,2 %
Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)1 98,25 % de la rémunération jusqu'à 4 plafonds de la sécurité sociale et 100 % au-delà - 0,5 % 0,5 %
Forfait social Certains éléments de rémunération exonérés de cotisations de sécurité sociale mais assujettis à la CSG 20 % - 20 %
Certaines sommes versées sur un plan d'épargne retraite d'entreprise (PERE)2 16 % - 16 %
Versements d'épargne salariale  pour les entreprises  de moins de 50 salariés ; sommes versées au titre de l'intéressement pour les entreprises qui emploient entre 50 et 250 salariés ; Contributions patronales de prévoyance complémentaire versées par les entreprises de moins de 11 salariés Exonération
Contributions patronales de prévoyance complémentaire versées par une entreprise de 11 salariés et plus 8 % - 8 %
Réserve spéciale de participation au sein des sociétés coopératives de production 8 % - 8 %
Contribution solidarité autonomie (CSA) Totalité de la rémunération 0,3 % - 0,3 %
Contribution dialogue social Totalité de la rémunération 0,016 % - 0,016 %
1. La CSG et la CRDS ne sont dues que par les personnes domiciliées fiscalement en France sauf exception.
2. Pour plus d'informations, consulter le dossier de la MSA sur l'épargne salariale.

5. Fonds national d'aide au logement (Fnal)

Taux de la contribution Fnal
Contribution Assiette Part employeur Part salarié Total
Entreprises exerçant des activités mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du CRPM et les coopératives agricoles et autres employeurs de moins de 50 salariés Rémunération dans la limite du plafond de la sécurité sociale 0,1 % - 0,1 %
Autres employeurs de 50 salariés et plus Totalité de la rémunération 0,5 % - 0,5 %

6. Assurances chômage (AC) et garantie des salaires (AGS)

Taux des cotisations AC et AGS
Cotisation Assiette Part employeur Part salarié Total
Chômage (AC) Rémunération dans la limite de 4 plafonds de la sécurité sociale 4,05 %* - 4,05 %*
AGS (hors salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire) Dans la limite de 4 plafonds de la sécurité sociale 0,20 % - 0,20 %
AGS salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire Dans la limite de 4 plafonds de la sécurité sociale 0,03 % - 0,03 %
* Majoration ou minoration du taux en application du dispositif de bonus-malus.

B. Paiement des cotisations

Toutes les entreprises agricoles en DSN (Déclaration Sociale Nominative) ou utilisant le Tesa (Titre emploi simplifié agricole) doivent procéder au paiement mensuel de leurs cotisations et contributions sociales. Les dates de paiement varient en fonction de l'effectif moyen de l'entreprise ou de l'exploitation agricole.

Les employeurs de moins de 11 salariés peuvent toutefois opter pour le paiement trimestriel (15 avril, 15 juillet, 15 octobre et 15 janvier). Pour cela, ils doivent adresser une demande par écrit à leur MSA à l'aide d'un formulaire.

III. Maladie, maternité, paternité, invalidité et décès

A. Maladie

1. Soins de santé

Consultation médicale

Une consultation chez un médecin généraliste conventionné secteur 1 coûte 26,50 €. La déclaration d'un médecin traitant n'est pas obligatoire, mais elle conditionne le niveau de remboursement des consultations :

Le reste est à la charge du patient mais peut être remboursé par une complémentaire santé.

Médicaments

Les médicaments remboursés (entièrement ou partiellement) par la MSA doivent faire l'objet d'une prescription médicale établie par un professionnel de santé. Le remboursement est possible si les 2 conditions cumulatives suivantes sont remplies :

Il reste néanmoins une franchise d'1€ par boite de médicament remboursable.

Frais de transport pour raison médicale

La prise en charge des frais de transport est possible sous conditions :

Dans des cas particuliers (transport à plus de 150 kms, en série, par avion, etc), une demande d'accord préalable est nécessaire. Elle est établie par le médecin et adressée au service du contrôle médical de la MSA. L'absence de réponse de la MSA dans un délai de 15 jours vaut accord préalable.

Dans tous les cas, il existe une franchise de 4€ par transport sanitaire, plafonnée à 8 € par jour.

2. Indemnités journalières

Conditions

Les conditions pour bénéficier des indemnités journalières maladie varient en fonction de la durée de l'arrêt :

- avoir travaillé au moins 150 heures dans les 3 mois (ou 90 jours) précédant l'arrêt ;

- OU avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à 1 015 fois le montant du SMIC horaire (11,65€ en 2024) pendant les 6 mois précédant l'arrêt ;

 - justifier de 12 mois d'immatriculation auprès d'un régime d'assurance maladie

- et dans les 12 mois précédant l'arrêt, avoir travaillé au moins 600 heures ou avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à 2 030 fois le Smic horaire.

L'assuré doit transmettre les volets 1 et 2 de son arrêt de travail à sa caisse MSA dans les 48 heures.

Depuis le 1er janvier, la durée des arrêts de travail prescrits par téléconsultation est désormais limitée à 3 jours maximum s'ils ne sont pas presrits par le médecin traitant

Calcul et versement

Smic mensuel brut pour 35 heures par semaine en 2024 : 1 766,92 €

Les indemnités journalières correspondent à 50 % du salaire journalier de base. Leur montant est calculé sur la moyenne des salaires bruts des 3 mois précédant l'arrêt de travail (ou des 12 derniers mois en cas d'activité saisonnière ou discontinue). Ce montant est plafonné à 1,8 fois le Smic en vigueur lors du dernier jour du mois précédant l'arrêt.

Les indemnités journalières sont versées par la MSA tous les 14 jours, après un délai de carence de 3 jours. Ce délai de carence peut être compensé par l'employeur.

B. Maternité et paternité

Durée du congé maternité en fonction de la situation de la mère
Enfant(s) à naître Congé prénatal Congé postnatal Total
1er ou 2e 6 semaines 10 semaines 16 semaines
3e et plus 8 semaines 18 semaines 26 semaines
Jumeaux 12 semaines 22 semaines 34 semaines
Triplés ou plus 24 semaines 22 semaines 46 semaines

La durée du congé de paternité est de 25 jours* (ou 32 en cas de naissances multiples). 7 jours doivent être pris obligatoirement et immédiatement après la naissance de l'enfant. Le reste du congé peut être fractionné en 2 autres périodes d'une durée minimale de 5 jours dans les 6 mois suivant la naissance.

Pour bénéficier d'indemnités journalières durant son congé maternité/paternité, le futur parent doit justifier de 10 mois d'immatriculation auprès d'un régime d'assurance maladie et d'une durée minimale de travail salarié.

Plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) en 2024 : 3 864 €

Le montant de l'indemnité journalière est égal à la moyenne des salaires des 3 mois précédant le congé, dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur. Elle est versée par la MSA tous les 14 jours, sans délai de carence.

* Les jours sont comptés du lundi au dimanche, jours fériés inclus.

C. Invalidité

1. Pension d'invalidité

L'assuré reconnu invalide avant l'âge légal de départ à la retraite a droit à la pension d'invalidité. Il existe 3 catégories de pension d'invalidité :

Calcul de la pension en fonction de la catégorie d'invalidité
Catégorie d'invalidité Pourcentage du salaire annuel moyen1 Pension mensuelle maximum Pension mensuelle minimum
Catégorie 1 30 % 1 159,20 € (30 % du PMSS) 328,07 €
Catégorie 2 50 % 1 932,00 € (50 % du PMSS)
Catégorie 3 90 %2 3 198,60 € (1 932 + 1 266,60)
1. Moyenne des salaires perçu pendant les 10 meilleures années d'activité.
2. 50 % majoré de 40 % par la prestation complémentaire pour recours à tierce personne.

2. Allocation supplémentaire d'invalidité

L'allocation supplémentaire d'invalidité (Asi) est une prestation versée pour compléter une pension d'invalidité en cas de faibles ressources, jusqu'à ce que le titulaire atteigne l'âge requis pour bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ou l'âge légal de départ à la retraite.

Pour bénéficier de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), l'assuré doit :

Le montant de l'Asi correspond à la différence entre le plafond mensuel et le montant des revenus de l'assuré ou du couple.

Il peut être cumulé avec des revenus professionnels. Dans ce cas, un abattement forfaitaire va être déduit de la somme des revenus professionnels des 3 derniers mois (1 590,23 € pour une personne seule ou 2 650,38 € pour un couple).

D. Capital-décès

Sous réserve de certaines conditions, il est possible de prétendre au versement du capital-décès des salariés agricoles. Pour en bénéficier, une demande doit impérativement être déposée auprès de la MSA dont dépendait le défunt au moment du décès. Le défunt devait être salarié ou bénéficiaire d'une pension au minimum pendant les 3 mois précédant son décès. Le montant du capital-décès est forfaitaire et revalorisé chaque année (3 910 € au 1er avril 2024).

IV. Accidents du travail et maladies professionnelles

Les salariés, apprentis, élèves ou stagiaires agricoles sont protégés en cas d'accident ou de maladie liés au travail, sous certaines conditions. Les maladies professionnelles reconnues et prises en charge par la MSA figurent sur des tableaux spécifiques.

Tous les soins liés à l'accident du travail ou la maladie professionnelle sont pris en charge par la MSA à hauteur de 100 % du tarif de l'assurance maladie (frais médicaux, pharmaceutiques, etc.). Seules la participation forfaitaire d'1 € et des franchises médicales restent à charge de l'assuré.

Les indemnités journalières sont calculées à partir du salaire perçu le mois précédent l'arrêt de travail :

Le salaire journalier ne peut pas dépasser 386,70 €.

Les indemnités journalières sont versées par la MSA tous les 14 jours, sans délai de carence.

V. Retraite

La retraite des salariés agricoles est composée d'une retraite de base auprès de la MSA et d'une retraite complémentaire auprès de l'Agirc-Arrco. 

Les pensions sont calculées sur les mêmes bases que celles du régime général. Si le salarié agricole a également cotisé au régime général des salariés, c'est le dernier régime dans lequel il a été affilié qui calculera et versera sa pension de retraite pour l'ensemble de sa carrière. L'assuré ne fait qu'une seule demande de départ à la retraite, indifféremment à l'une des caisses auprès desquelles il a cotisé, et percevra une pension de retraite unique, calculée et payée comme si l'assuré avait relevé d'un seul régime.

A. Droits de l'assuré

1. Conditions

Pour percevoir une retraite au taux maximum (50%), il faut remplir les conditions d'âge et de nombre de trimestres cotisés requis.

Âge légal minimum de départ à la retraite

L'âge minimum à partir duquel un assuré peut faire valoir ses droits à la retraite varie entre 62 et 64 ans, en fonction de l'année de naissance.

Âge de départ en fonction de l'année de naissance
Année de naissance Age légal de départ
Avant le 01/09/1961 62 ans
Du 01/09/1961 au 31/12/1961 62 ans et 3 mois
1962 62 ans et 6 mois
1963 62 ans et 9 mois
1964 63 ans
1965 63 ans et 3 mois
1966 63 ans et 6 mois
1967 63 ans et 9 mois
À compter de 1968 64 ans

Pour bénéficier d'une retraite à taux plein dès l'âge légal de la retraite, il faut réunir un certain nombre de trimestres de cotisations, variable en fonction de l'année de naissance. Les assurés qui liquident leur pension de vieillesse dès l'âge légal sans avoir le nombre de trimestres nécessaires, se voient appliquer une décote sur le montant de leur retraite. La liquidation de la pension avec application de la décote est définitive.

Départs anticipés à la retraite pour carrière longue ou raisons de santé

Âge du taux plein automatique

À partir de 67 ans, la retraite est calculée au taux plein (50 %), quel que soit le nombre de trimestres cotisés.

Durée d'assurance

Pour déterminer le taux de liquidation de la pension, il est tenu compte de la durée d'assurance qui représente l'ensemble des trimestres acquis par l'assuré.

La validation d'un trimestre ne dépend pas du nombre d'heures travaillées ; elle dépend du montant des revenus cotisables que l'assuré à perçu. Pour valider un trimestre, il faut percevoir dans l'année un revenu au moins égal à 150 x le smic horaire brut en vigueur au 1er janvier de l'année (11,27 € en 2024). Mais le nombre de trimestres validés tous régimes confondus ne peut dépasser 4 par année civile.

Certaines périodes d'interruption de travail (chômage, maternité, invalidité, etc) vont être considérées comme assimilées à des trimestres d'assurance retraite même si elles ne donnent pas lieu à des cotisations. (Cf. Art. L351-2 à L351-6-1 du code de la sécurité sociale).

Durée d'assurance pour la retraite à taux plein en fonction de l'année de naissance
Année de naissance Durée d'assurance
1958-1960 167 trimestres
1er janvier 1961 - 31 août 1961 168 trimestres
1er septembre 1961 - 31 décembre 1962 169 trimestres
1963 170 trimestres
1964 171 trimestres
1965 ou après 172 trimestres

2. Calcul

Montant annuel de la retraite de base =

Salaire annuel moyen1 x Taux2 x (Durée d'assurance au régime des salariés agricoles / Durée d'assurance requise en fonction de l'année de naissance)

1. Le salaire annuel moyen (SAM) est calculé sur la base des 25 meilleures années de la carrière, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, soit 23 184 € en 2024.

2. Le taux de liquidation varie en fonction de la durée d'assurance tous régimes confondus. Le taux maximum de 50 % est affecté d'un coefficient de minoration déterminé en fonction du nombre de trimestres manquants pour bénéficier du taux plein, en tenant compte de la durée d'assurance et de l'âge (le montant le plus intéressant pour l'assuré étant choisi). Le taux minimum est fixé à 37,5 %. (Cf taux minoré).

Les périodes d'activité accomplies à l'étranger dans un État lié à la France par un accord de sécurité sociale peuvent, sous certaines conditions, être prises en compte pour la détermination du taux de liquidation de la pension de retraite.

B. Droits du conjoint survivant

1. Pension de réversion

Une personne peut obtenir, sous conditions d'âge (55 ans minimum) et de ressources, une retraite de réversion si son conjoint ou ex-conjoint est décédé et qu'il bénéficiait d'une retraite agricole/était susceptible de la percevoir.

La retraite de réversion représente 54 % de la pension de l'assuré décédé.

2. Allocation veuvage

L'allocation veuvage apporte une aide temporaire pendant 2 ans au conjoint survivant âgé de moins de 55 ans et dont les ressources des 3 mois civils avant la demande ne dépassent pas 2 616,825 € (janvier 2024). Le droit à l'allocation ne peut être examiné qu'à la demande expresse de l'intéressé à la MSA auprès de laquelle était affilié son conjoint.

Elle s'élève à 697,82 € mensuel à compter du 01/01/2024. Ce montant peut être réduit en fonction des ressources du conjoint survivant.

C. Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa)

L'allocation de solidarité aux personnes âgées permet aux personnes disposant de peu de ressources durant leur retraite (personnelle ou de réversion) de bénéficier d'un revenu minimal, sous certaines conditions.

VI. Prestations familiales

La MSA verse les mêmes prestations aux mêmes conditions que les caisses d'allocations familiales du régime général de sécurité sociale.

VII. Chômage

Les salariés du régime agricole bénéficient de l'assurance chômage de droit commun.