Employeur établi dans un pays européen (UE/EEE/Suisse), un de vos salariés souhaite télétravailler une partie de son temps depuis son pays de résidence (autre État européen). Le régime de sécurité sociale auquel votre employé sera affilié, et donc auquel vous devrez verser les cotisations patronales et salariales, dépendra de sa situation.
Le recours croissant au télétravail dans un contexte de mobilité internationale a conduit certains États européens à signer un Accord-cadre dédié au télétravail transfrontalier. Entré en vigueur le 1er juillet 2023, cet Accord-cadre adapte les dispositions prévues par les règlements européens en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale (non spécifiques au télétravail transfrontalier). Il offre plus de souplesse aux travailleurs et une meilleure sécurité juridique aux entreprises. Cependant, cet Accord-cadre ne concerne pas toutes les situations de télétravail et ne s'applique pas non plus à tous les États. Il convient de rappeler son articulation avec les articles 13 et 16 du règlement (CE) n°883/2004.
Textes de référence :
Les règlements européens ne mentionnent pas explicitement le télétravail transfrontalier (pratique peu répandue lors de leur rédaction), mais ils permettent de l'aborder en tant que situation de pluriactivité (exercice d'activités professionnelles sur le territoire de deux ou plusieurs États).
Ainsi, dès lors que votre salarié n'exerce pas uniquement son activité sur le territoire où votre entreprise est établie (siège social ou siège d'exploitation), il n'est pas automatiquement affilié dans cet État. Pour connaître la législation sociale qui s'applique dans sa situation personnelle, il doit contacter l'institution compétente de son lieu de résidence.
Textes de référence :
Le travailleur salarié qui exerce son activité dans plusieurs États (UE/EEE/Suisse) est affilié au régime social de son État de résidence s'il y exerce une part substantielle de son activité, c'est-à-dire au moins 25 % du temps de travail ou de la rémunération.
Exemple
Employeur établi en Belgique, vous employez un résident français. Si votre salarié exerce son activité en partie en France et en partie en Belgique, il devra se mettre en relation avec l'Urssaf*.
S'il détermine que c'est la législation sociale française qui doit s'appliquer, l'Urssaf délivre un document portable A1 attestant que votre salarié est assuré en France. Vous devez donc vous acquitter des cotisations liées à son emploi en France et non en Belgique.
* Les salariés agricoles doivent contacter la MSA.
Dans l'intérêt de votre salarié, il est possible de déroger à ce principe, soit en application de l'article 16 du règlement (CE) n° 833/2004 (toutes situations), soit, dans des cas restreints, en application de l'Accord-cadre sur le télétravail transfrontalier (uniquement pour les États signataires).
Texte de référence :
L'article 16 du règlement (CE) n° 833/2004 permet de déroger à toute disposition des articles 11 à 15 du même règlement (articles relatifs à la détermination de la législation sociale applicable). Il n'est pas spécifique aux situations de télétravail transfrontalier.
Il est possible, lorsque votre salarié exerce son activité en télétravail au moins 25 % de son temps et dans son intérêt, de solliciter son maintien ou affiliation au régime social de l'État où se trouve votre entreprise.
Rappel
Si votre salarié télétravaille depuis son État de résidence moins de 25 % de son temps de travail total, et qu'il exerce le reste de son activité dans vos locaux, c'est déjà la législation sociale de l'État où votre entreprise est établie qui devrait s'appliquer selon l'article 13 du règlement (CE) n° 833/2004.
Pour ce faire, vous (employeur) devez contacter l'institution compétente de l'État où votre entreprise est établie pour obtenir le maintien ou l'affiliation de votre salarié au régime de sécurité sociale de cet État. Cette institution contacte à son tour l'institution compétente de l'État de résidence du salarié pour obtenir son accord.
Organismes compétents
En cas d'accord, l'institution compétente de l'État où votre entreprise est établie délivrera un document portable A1 au nom de votre salarié, attestant qu'il relève de sa législation.
Cette procédure pouvant être longue en raison des échanges entre institutions, et l'accord final n'étant jamais garanti, certains États européens ont signé un Accord-cadre dédié au télétravail transfrontalier. Contrairement à l'article 16 du règlement (CE) n° 833/2004, l'Accord-cadre présuppose l'accord des institutions compétentes et permet donc une procédure accélérée. En revanche, son champ d'application est beaucoup plus restreint que celui des règlements européens.
Texte de référence :
Entré en vigueur au 1er juillet 2023, le nouvel Accord-cadre sur le télétravail transfrontalier permet également de déroger à l'article 13 § 1 a) mais selon une procédure simplifiée par rapport à l'application de l'article 16. Il s'agit pour les États signataires de faciliter les démarches des entreprises, de réduire les délais de traitement et d'optimiser la gestion des dossiers pour les organismes compétents. À partir du moment où les 2 États concernés ont signé l'Accord-cadre, leur accord conjoint est présumé acquis pour toutes les situations visées. Par conséquent, dès lors que toutes les conditions sont remplies, le maintien du salarié à la législation de sécurité sociale de l'État où se trouve l'entreprise est accordé.
L'Accord-cadre n'est applicable qu'aux situations de télétravail transfrontalier qui impliquent uniquement 2 États signataires (pays de résidence et de télétravail + pays où est établi l'employeur). Si votre salarié a d'autres employeurs que vous, ces derniers doivent être établis dans le même État que votre entreprise. Le télétravail doit représenter moins de 50 % de son temps de travail total. Enfin, le salarié ne doit pas exercer une activité autre que le télétravail transfrontalier dans son État de résidence.
L'Accord-cadre n'a pas été signé par tous les États de l'UE/EEE/Suisse. Il est donc applicable seulement si votre entreprise est établie dans un des États suivants et que votre salarié réside dans un autre de ces États : Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse (liste actualisée au 1er juin 2024).
Les États Membres qui n'ont pas adopté l'Accord-cadre au 1er juillet 2023 peuvent le faire ultérieurement. Leur adhésion est alors valable à compter du 1er jour du mois qui suit la date de signature de l'Accord-cadre. C'est le cas de la Slovénie, partie prenante de l'Accord-cadre depuis le 1er septembre 2023, de l'Italie (au 1er janvier 2024), de la Lituanie (au 1er mai 2024) et de l'Irlande (au 1er juin 2024).
À l'inverse, un État signataire peut dénoncer l'Accord-cadre à tout moment, après un préavis de 3 mois.
Il est donc conseillé de vérifier la liste des États actualisée avant d'entreprendre toute démarche. La liste des États signataires, ainsi que les institutions compétentes dans chaque État, peut être consultée sur le site de l'administration belge (la Belgique ayant été désignée comme État chargé de recueillir les adhésions des autres États).
Situation | Raison pour laquelle l'Accord-cadre ne s'applique pas |
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Vous exercez une activité indépendante depuis votre domicile et travaillez dans un autre État pour le compte d'une entreprise. | Exercice d'une activité non salariée. Les travailleurs indépendants ne sont pas visés par l'Accord-cadre. L'exercice de plusieurs activités, dont au moins une non salariée, est régi par l'article 13 § 2, 3 ou 4. |
Employeur français, votre salarié télétravaille chez lui en France pour le compte de votre entreprise 2 jours par semaine, et il travaille pour une autre entreprise aux Pays-Bas le reste de la semaine. | Les employeurs n'ont pas leur siège social dans le même État. |
Employeur basé en Allemagne, votre salarié télétravaille 3 jours par semaine en France et se rend dans vos locaux allemands 2 jours par semaine. | Le télétravail représente plus de 49,9 % du temps de travail total de votre salarié. |
Votre salarié télétravaille 1 jour par semaine et travaille les 4 autres jours dans un autre État. | Le télétravail représente moins de 25 % du temps de travail, donc affiliation dans l'État où est établie l'entreprise selon l'article 13 § 1 a). |
Entreprise dont le siège social est en Belgique, vous employez un résident français. Il travaille 2 jours par semaine au bureau belge, télétravaille 2 jours par semaine en France, et se déplace 1 jour par semaine chez des clients français pour votre compte. | Exercice d'une activité autre que le télétravail dans l'État de résidence. |
Entreprise établie en Espagne, un de vos salariés exerce exclusivement son activité en télétravail depuis la France. | Le télétravail représente l'intégralité du temps de travail. Affiliation au régime de sécurité sociale de l'État de télétravail en application de l'article 11 § 3 a). |
En tant qu'employeur, vous devez adresser une demande à l'institution compétente de l'État où se trouve votre siège social ou siège d'exploitation. Cette institution délivre le document portable A1 (case 3.11 cochée), attestant d'un maintien de votre salarié à la législation qu'elle applique, et en informe l'institution compétente de l'État de résidence (par le biais du système EESSI). La durée maximale de cette dérogation est de 3 ans, sachant que des prolongations pourront être accordées après une nouvelle demande de votre part.
Si votre entreprise est établie en France, l'organisme compétent est l'Urssaf (ou la MSA pour un salarié agricole).